Philippe le Bon, duc de Bourgogne (1396-1467)

Bertrand Schnerb

Né à Dijon le 31 juillet 1396, Philippe était le fils de Jean sans Peur, deuxième duc de Bourgogne de la Maison de Valois, et de Marguerite de Bavière, princesse issue de la branche des Wittelsbach régnant sur les comtés de Hainaut, Hollande et Zélande. Le duc Jean, son père, tenait sous sa main non seulement le duché de Bourgogne, mais aussi les comtés de Flandre, d’Artois et de Bourgogne (la Franche-Comté) ainsi que les seigneuries de Salins et de Malines. Avant de devenir duc lui-même, Philippe, portant le titre de comte de Charolais, reçut une éducation soignée et une solide formation politique. Associé très tôt au gouvernement des principautés bourguignonnes et familiarisé notamment avec la Flandre et ses villes, il recueillit l’héritage paternel lorsque Jean sans Peur fut assassiné sur le pont de Montereau le 10 septembre 1419.

Portraits de Philippe le Bon (1396-1467) -à gauche- et de son fils Charles le Téméraire (1433-1477), -à droite- ducs et comtes de Bourgogne, attribués à Jacques le Boucq d’Artois (1520-1573). Médiathèque du pôle culturel Saint-Vaast, Arras, Ms.266, f°61.

Son avènement eut lieu dans un contexte politique et militaire difficile, la guerre civile opposant les Bourguignons aux « Dauphinois », partisans du dauphin Charles (futur roi Charles VII), se doublant d’une guerre ouverte avec les Anglais. Philippe s’allia au roi d’Angleterre Henri V et fut l’un des artisans du traité de Troyes de mai 1420. Pendant quinze années, soutenant la « double monarchie de France et d’Angleterre », il combattit Charles VII qu’il considérait comme responsable de la mort de son père ; mais en septembre 1435, il conclut avec lui un traité de paix et abandonna l’alliance anglaise. Par ce traité le roi lui céda Auxerre, Mâcon, le comté de Boulogne ainsi que les Villes de la Somme engagées pour 400 000 écus d’or.

Parallèlement, dans l’Empire, le duc réalisa d’importantes acquisitions territoriales, achetant le comté de Namur en 1421, héritant des duchés de Brabant et de Limbourg en 1430, s’emparant, à la suite d’une longue querelle qui l’opposa à sa cousine Jacqueline de Bavière, des comtés de Hainaut, Hollande et Zélande ; en 1443, il fit encore la conquête du duché de Luxembourg. Dans l’espace impérial, il se constitua un important réseau d’alliances et tenta d’obtenir du roi des Romains Frédéric III de Habsbourg, un titre royal. Il mena aussi une politique religieuse qui l’amena à soutenir les papes successifs – Eugène IV, Calixte III, Pie II – contre ceux qui contestaient leur autorité et le conduisit également à se faire l’un des plus chauds partisans de leurs appels à la croisade. En contrepartie, il put, avec l’aide du pouvoir pontifical, placer des prélats fidèles à sa Maison sur les sièges épiscopaux dont dépendaient ses territoires : Liège, Arras, Cambrai, Tournai, Thérouanne, Utrecht, Chalon, Auxerre, Autun, Langres.

Favorisant le développement d’une brillante vie de cour, groupant autour de lui des artistes de grande qualité comme le musicien Gilles Binchois, qui était l’un de ses chapelains, ou le peintre Jean Van Eyck, qui était l’un de ses valets de chambre, il mena une politique de prestige comme le montre la création de l’ordre de la Toison d’or, confrérie chevaleresque fondée en janvier 1430, à l’occasion de son mariage avec l’infante Isabelle de Portugal. La Toison d’or avait vocation à grouper autour du prince une élite nobiliaire formant une part importante du personnel politique de l’État bourguignon, mais le prince s’entoura aussi de conseillers juristes, parmi lesquels son chancelier Nicolas Rolin, et le chef de son conseil Jean Chevrot, évêque de Tournai. C’est dans le but de disposer d’experts du même ordre, aptes à œuvrer au sein des institutions administratives et judiciaires et d’être appelés à son conseil, qu’il créa l’université de Dole en 1423 et favorisa, après son accession au duché de Brabant en 1430, l’université de Louvain qu’avait créée son cousin Jean IV, duc de Brabant, cinq ans plus tôt.

Au cours des années 1450, le duc Philippe dut faire face à d’importantes difficultés politiques : les réformes fiscales qu’il tenta d’imposer en Flandre déclenchèrent une révolte de la ville de Gand qu’il lui fallut réduire par la force (1452-1453). Par ailleurs, au sein même de sa famille, il se heurta, à partir de 1457, à son fils unique et unique héritier Charles, comte de Charolais, futur duc Charles le Téméraire ; les relations conflictuelles entre le père et le fils durèrent jusqu’en 1465, date à laquelle Philippe délégua à Charles une partie de ses pouvoirs. Durant cette même période, il tenta de mettre sur pied un projet de croisade, faisant lui-même vœu d’aller combattre les Turcs ottomans lors du banquet du Faisan, fête organisée à Lille en février 1454 ; le luxe et l’extravagance déployés à cette occasion étaient des instruments de communication destinés à donner un grand retentissement à sa décision. La nécessité dans laquelle il se trouva d’abandonner son projet suscita chez lui un regret amer.

Les dernières années de son principat furent le temps des désillusions : après avoir, entre 1456 et 1461, donné asile à son neveu le dauphin Louis, futur Louis XI, en conflit avec Charles VII, il espérait bénéficier de sa reconnaissance après son avènement ; mais il comprit que, devenu roi de France, Louis n’avait pas l’intention d’œuvrer au renforcement de la puissance bourguignonne. Le rachat des Villes de la Somme en 1463 fut cause d’une nouvelle crise au sein du gouvernement ducal et déboucha sur la participation du comte de Charolais à la guerre du Bien public. Les années 1465-1466 furent également marquées par des interventions militaires dans la principauté de Liège où le prince-évêque Louis de Bourbon, neveu de Philippe le Bon, était en péril.

Le duc, dont la santé déclinait depuis quelques années, mourut à Bruges le 15 juin 1467. Enterré d’abord dans la collégiale Saint-Donatien de cette ville, son corps fut ensuite transféré en l’église de la Chartreuse de Champmol où reposaient Jean sans Peur et Marguerite de Bavière, ses parents.

Notes :
Bibliographie : 
  • Bonenfant, Philippe le Bon. Sa politique, son action, Bruxelles, De Boek, 1996.
  • É. Lecuppre-Desjardin, Le royaume inachevé des ducs de Bourgogne, Paris, Belin, 2016. 
  • Schnerb, L’État bourguignon, 1363-1477, Paris, Perrin, 1999.
  • Vaughan, Philip the Good. The apogee of Burgundy, Woodbridge, Boydell and Brewer, 2002 [1970].
 
ARTICLES SIMILAIRES :
error: Contenu protégé.