Naissance de l’enseignement de la psychologie et de la sociologie

Paul Mercier – Bernard Lefort – Jean-Pierre Minary – Jean-Michel Bessette

À partir des années 1960, l’enseignement et la recherche en sciences humaines et sociales rencontrent très rapidement un grand succès, ce qui est particulièrement le cas de la psychologie et de la sociologie. Initialement intégrées aux enseignements de philosophie, ces deux disciplines deviennent progressivement des départements à part entière.

Charles Bried “Les origines du sentiment esthétique chez l’enfant” Annales littéraires de l’université de Besançon, Philosophie, tome 2, fascicule 2, 2ème série, 1955. université de Franche-Comté, BU Lettres, PER.162.A.6

Si l’enseignement de la psychologie débute dans le cadre d’une chaire de philosophie occupée par Gilbert Varet (1914-2003), l’initiateur en est véritablement Charles Bried (1922-2006). Après avoir suivi les cours d’Henri Wallon et de René Zazzo à la Sorbonne, il revient à Besançon comme chargé d’enseignement, puis chef de travaux. Dès 1957, développant ses recherches sur l’enfant, il réussit à créer un laboratoire de psychologie appliquée, incluant les étudiants.

En 1959, il obtient d’accueillir à la faculté de lettres un des rares centres, en France, de formation des psychologues scolaires, puis en 1967, un centre d’application des conseillers d’orientation scolaires et professionnels. Dès 1960, avec l’aval du rectorat, il met en place le premier centre médico-psychopédagogique (CMPP) de la région, rue Chifflet. Ces trois atouts légitiment la création d’un enseignement de DEUG1, puis, en 1969, de la licence en psychologie, grâce à la création d’un poste de maître de conférences en psychophysiologie. La section de psychologie compte alors trois enseignants-chercheurs : Charles Bried, Jean-Marie Dolle et Paul Mercier, psychologues en développement et sens esthétique, en approche piagétienne de l’enfant, en groupes restreints et intervention psychosociale. Une collaboration indispensable et pluridisciplinaire se met en place avec des philosophes, des physiologistes, des psychophysiologistes et éthologues, un statisticien, des psychiatres et des pédiatres du CHU, un économiste et de nombreux chargés de cours, dont des praticiens pour l’apprentissage des outils de l’examen psychologique. Très vite, le département de psychologie est remarqué pour ses objectifs de professionnalisation en direction de l’Éducation nationale et du monde de la santé et devient une référence avancée pour d’autres universités.

Ce défi de taille à relever requiert une organisation pédagogique complexe avec des compétences diversifiées. Les effectifs vont croissant, avec un public composé pour un quart d’adultes en formation : des candidats psychologues, jeunes ou moins jeunes, des éducateurs spécialisés, des orthophonistes, des étudiants en médecine, des infirmières, des assistantes sociales, des enseignants du premier et du second degré. Pour ces derniers, à l’époque, les formations initiale et formation continue d’instituts spécialisés n’existaient pas encore. Ce melting-pot d’enseignants d’horizons variés et ce mélange de public d’âges et d’expériences professionnelles divers favorisent des démarches pédagogiques innovantes et imposent de créer une synergie. La pratique du travail collectif, la dynamique de groupe et la référence à la psychopédagogie facilitent les échanges dans les relations pédagogiques.

Pierre Lanz, enseignant en sociologie engagé dans les évènements de mai 1968. Le 6 mai 1968, devant la préfecture du Doubs, Pierre Lantz adresse une déclaration aux manifestants avec un porte-voix. Collection particulière.

La sociologie, quant à elle, demeure de nombreuses année encore une unité de valeur (UV)2, de trois heures de cours, sous l’intitulé de « certificat de morale et sociologie », intégrée à la licence de philosophie depuis la réforme de 1920. Son enseignement est longtemps assuré par le titulaire de la chaire de philosophie. Depuis le milieu des années 1960, le professeur Pierre Lantz, de formation philosophique mais sociologue, est recruté à Besançon comme assistant. Il fait partie des enseignants très engagés dans les évènements de mai 1968, où il apparait menant et conduisant de nombreuses manifestations.

Pierre Lanz manifeste, rue de la préfecture, avec à ses côtés Roger Barny, Claude Curty, responsable CGT, Georges Zask et Jean-Paul Bruckert, 13 mai 1968. Collection particulière.

À l’automne de la même année, Jean-Michel Bessette, jeune doctorant en sociologie, est recruté en qualité d’assistant de sociologie, avec un contrat annuel et renouvelable. Côté sociologie et anthropologie, il faudra encore patienter six années pour l’ouverture du DEUG tant attendu, marquant à son tour la reconnaissance d’un enseignement de sociologie comme discipline universitaire à part entière.

Notes :
1 – DEUG : diplôme d’études générales, correspondant aux deux premières années d’enseignement supérieur après le bac (premier cycle universitaire). 2 – Aujourd’hui unité d’enseignement (UE).
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