Jean Jouffroy est né à Luxeuil, entre 1405 et 1410 – plus vraisemblablement qu’en 1412, comme cela est souvent avancé1. Il est le fils d’un riche commerçant qui rejoint plus tard l’élite urbaine de Besançon. Dans une note autobiographique2, il indique avoir étudié à Dole. C’est la seule preuve de son séjour dans cette université, qui commence à une date inconnue et se poursuit jusqu’au printemps 1429. Il s’inscrit comme étudiant à la faculté des arts de Cologne en mai 1429, puis, à l’automne de la même année, il entame des études de droit à Pavie, où il obtient le titre de docteur en droit canonique (doctor decretorum) en 1434. C’est là qu’il découvre l’humanisme italien, qui marque de manière décisive son développement intellectuel.
La carrière de Jouffroy le conduit à occuper des postes de haut niveau à la cour des ducs de Bourgogne, à la cour royale de France et à la Curie romaine. Il joue souvent le rôle d’intermédiaire dans les relations avec la cour papale, où il agit en tant que représentant des intérêts de ses maîtres séculiers. Après avoir assumé pendant deux décennies de multiples tâches au service de Philippe le Bon comme diplomate et conseiller, il s’oriente vers la France à l’avènement de Louis XI (1461-1483). La légation au cours de laquelle Jouffroy obtient la levée de la Pragmatique Sanction3 par le roi de France lui vaut d’être élevé, en 1461, au rang de cardinal par le pape Pie II (1458-1464). Entré très tôt dans l’ordre bénédictin, il cumule une série de charges lucratives ; il est ainsi abbé de Luxeuil (1450-1468 ?) et de Saint-Denis (1464-1473), évêque d’Arras (1453-1462), puis d’Albi (1462-1473). En 1463, alors que les relations franco-papales se détériorent, il tombe en disgrâce auprès de Pie II, qui dresse dans ses Commentaires (Commentarii) un portrait extrêmement négatif de ce membre de sa curie. Jouffroy retourne temporairement à Rome sous Paul II (1464-1471), mais la dernière décennie de sa vie est surtout remplie par une participation très changeante à la politique française.
Parmi les nombreux discours prononcés par Jouffroy dans le cadre de son activité politique, 17 nous sont parvenus dans leur intégralité. Ils sont des modèles de rhétorique humaniste élaborée. Vers 1460 (?), il rédige, en outre, une histoire panégyrique des faits de guerre de Philippe le Bon, que Pie II juge sévèrement. En 1467, il dédie au cardinal Bessarion (1440-1472) deux dialogues cohérents sur le mouvement de la pauvreté et la dignité cardinalice. Son importante collection de livres comprenait plus de 120 manuscrits sur la littérature et la philosophie de l’Antiquité ainsi que sur la jurisprudence, la théologie et la patristique4. Après sa mort, elle fut en partie transférée à la bibliothèque pontificale et en partie dispersée.
Dans la cathédrale d’Albi, sur les murs de la chapelle qui accueille la tombe de Jouffroy, ses neveux firent peindre vers 1510 un cycle de fresques avec un portrait du défunt.