Les étudiants de l’université de Dole de 1424 à 1497 : nombre et provenance

Jacky Theurot

Philippe Le Bon écrit à Robert de Baubigney que son souhait de créer une université s’explique par les dangers que courent les étudiants sur les routes gangrenées par les méfaits de la guerre, risquant de gêner le recrutement de l’administration et de l’Église. Aussi, dès que le pape en accepte la fondation, il dépêche des sergents pour annoncer la nouvelle avec, selon Eva Pibiri, une large « propagande » dans un vaste espace, afin d’attirer professeurs et étudiants : Beaune et Arbaumont, Constance, Heidelberg, Cologne, Bâle, Utrecht, Worms, Trèves, Strasbourg, Metz, Nancy, Toul et bien d’autres sites universitaires. En 1423, il adresse également des lettres aux villes de Fribourg, Berne et Lausanne.

Étudiants et maîtres à l’université de Dole 1424-1497. Provenance d’étudiants Comtois et non Comtois ; nombre des étudiants Comtois en d’autres universités. Jacky Theurot.

 Les registres matricules de 1498 indiquent que l’université de Dole est une petite université enregistrant et diplômant moins de cent étudiants par an, loin d’Avignon, de Poitiers, de Caen et d’Angers… ou bien sûr des universités allemandes, voire italiennes1. Cependant, elle attire très vite les élèves, à tel point que le collège de Dijon, accueillant des élèves de Bourgogne, de Comté, de Lorraine et d’Allemagne, pâtit de sa constitution et doit se réformer en janvier 1446 pour retrouver de l’importance2.

Les étudiants sont mentionnés dans des actes notariés ou lors d’affaires venues en justice. En août 1424, des étudiants des Flandres sont cités, ou encore lors de l’affaire Boyvenet, où une véritable émeute oppose les étudiants au bailli de Dole Jean Bouton3. De 1424 à 1497, une trentaine d’étudiants viennent des principautés de Comté et de Bourgogne, d’autres des contrées du Nord, tels maître Jean de Vituly, originaire de Lille, et Pierre le Varrier, du diocèse d’Arras. Certains Suisses du pays de Vaud y suivent des études[4].

Carte manuscrite de la provenance des étudiants et des maîtres de l’université de Dole, 1424-1497. Périmètre autour de Dole de la provenance des étudiants et des maîtres de l’université, 1498-1499 d’après le manuscrit 982, folio 1r° de la Bibliothèque municipale de Besançon. Jacky Theurot.

Pendant longtemps, on a insisté sur la grande mobilité des étudiants. Cependant, selon Jacques Verger, cela ne peut être le fait que d’étudiants favorisés car la « provincialisation » des nouvelles universités freine cette pratique5. Dole peut toutefois bénéficier de ces migrations en raison de la renommée des Piémontais Raymond de Marlian et Anselme de Marenches, parmi d’autres. À côté des individus plus illustres et plus pérégrins, il y a tous les autres qui ne fréquentent l’université de Dole que jusqu’à la maîtrise ès-arts, voire le baccalauréat, et qui ensuite exercent par exemple un emploi de maître d’école.


Notes :
1 – Jacques Verger, « Prosopographie et cursus universitaire », in Medieval Lives and the Historian Studies in Medieval Prosopography (Nicolas Bulst et Jean-Philippe Genet dir.), Kalamazoo, Western Michigan Univ., 1986, p. 313-332 ; Id., Les Universités…, op. cit., p. 145 et Id., Histoire des universités…, op. cit., p. 353 ; pour Poitiers, Robert Favreau, op. cit., p. 475-479 (1 500 à 2 000 étudiants, soit 15 % de la population poitevine) ; pour Angers, Yves Denéchère et Jean-Michel Matz (dir.), Histoire de l’université d’Angers, du Moyen Âge à nos jours, Rennes, PUR, 2012, p. 62-67.Garnier et Champeaux, Chartes de communes et d’affranchissements en Bourgogne, 1918, p. 638 sq. Surtout, Thomas Arib, « Tentatives et échec de réforme d’une école urbaine à la fin du Moyen Âge : l’école générale de Dijon (1340-1531) », Master 2 histoire, Université de Bourgogne, 2007, ch. IV, 1re partie, à propos de la « concurrence doloise », p. 145-147. 2 – Le 2 mai 1461, Jean Vurry, trésorier de Dole, relate la perception de huit livres pour la légitimation de Jean de Cise, bachelier en arts et étudiant à l’université de Dole, fils illégitime de maître Gérard de Cise, licencié en lois et lieutenant général du bailli d’aval, et de Pheleberte, fille de feu Jean Martin de Rye, veuve (ADD B 59). Premiers étudiants cités, flamands de surcroît, dans ADCO B 1626, compte de Jacques le Hongre, août 1424, fo17v. Affaire Boyvenet : AMD, cote 5, décembre 1429, et ADCO B 1647, compte de Mathieu Regnault, receveur général des finances du duc et comte de Bourgogne, 1430/1431, fo60r. 3 –  Theurot, « De l’école à l’université… », art. cit., p. 87-90 (recrutement) ; et Id., « Salins au xve siècle… », art. cit., p. 8-9 ; Eva Pibiri, « Sous la férule du maître. Les écoles d’Yverdon (xive– xvie siècles) », Cahiers lausannois d’histoire médiévale 23, 1998, 2, p. 28, n. 124. 4 – Jacques Verger, « Géographie universitaire et mobilité étudiante au Moyen Âge, quelques remarques », Ecoles et vie intellectuelle à Lausanne au Moyen Âge (Alexandre Paravicini-Bagliani dir.), Lausanne, Université de Lausanne, 1987, p. 11-23, et Id., « La mobilité étudiante au Moyen Âge », « Éducations médiévales. L’enfance, l’École, l’Église en Occident, ve-xve siècles », no spécial, Histoire de l’Éducation, sept. 1991, p. 65-90.
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