Quant à la ville de Dole, c’est la plus célèbre de toutes les cités du pays de Bourgogne, la ville des bienfaisantes études et la nourrice du droit. […] C’est là que j’ai jeté les premières bases de mes études, sous Pierre Phénix, aujourd’hui vieillard très avancé en âge, et conseiller au vénérable Parlement, et sous Jacques Lestrée, deux maîtres remarquables par les connaissances les plus variées1.
Portrait de Gilbert Cousin (1506-1572). Bibliothèque municipale de Besançon, Yc-portrait-Cousin.
C’est en 1552, alors qu’il est devenu un humaniste réputé, que Gilbert Cousin évoque ses souvenirs émus d’étudiant à l’université de Dole durant la seconde moitié de la décennie 1520. Issu d’une vieille famille comtoise, Gilbert naît le 21 janvier 1506 dans la cité de Nozeroy, terre à laquelle il reste attaché tout au long de son existence. Très tôt, ses parents, Claude Cousin et Jeanne Daguet, s’efforcent de lui fournir une éducation solide et il bénéficie d’une première instruction par le truchement de l’un des chanoines de Saint-Antoine de Nozeroy. Esprit curieux et avide de connaissances, il entre, sans doute en 1526, à l’université de Dole où il choisit tout d’abord d’étudier la discipline juridique (droit civil et droit canon) qui fait la réputation de l’établissement. Il y découvre ensuite la médecine, mais décide de s’orienter finalement vers la théologie. Cette fréquentation de l’université doloise, pendant quatre années, constitue une période charnière dans la formation du jeune homme. Il bénéficie de la riche bibliothèque du collège Saint-Jérôme, se fournit aussi en ouvrages auprès des libraires dolois Pierre Breschet et Jouffroy Deest et loge un temps chez l’un de ses professeurs, le juriste Pierre Phénix, pratique courante à cette époque. S’il met à profit ces années de formation pour acquérir une vaste culture, il rencontre également à Dole de nombreux érudits et de futures figures majeures de son temps, tels Antoine Perrenot de Granvelle et Guillaume de Poupet. Mobile, à l’image des étudiants de son siècle, Cousin quitte bientôt l’université doloise pour parfaire sa formation à Fribourg-en-Brisgau auprès, notamment, du célèbre humaniste allemand Ulrich Zasius.
En 1530, il entre au service du « prince des humanistes », Érasme de Rotterdam, qui vit alors à Bâle[2]. Il devient rapidement son secrétaire et une collaboration fructueuse et amicale débute entre les deux hommes, qui travaillent jour et nuit au service des belles-lettres. Toutefois, Cousin décide de rejoindre Nozeroy à la fin de l’année 1535, car il a compris, auprès d’Érasme, qu’il souhaite consacrer sa vie aux Lettres et au Christ. En janvier 1536, il est ordonné prêtre et entre au chapitre de l’église collégiale Saint-Antoine de Nozeroy en qualité de premier chanoine. Il se lance alors dans une vaste production littéraire très inspirée par sa fréquentation des œuvres érasmiennes.
Les dernières années de sa vie sont bouleversées par l’affrontement entre les partisans de la Réforme et ceux qui restent fidèles au catholicisme intransigeant. Irénique, G. Cousin refuse de choisir : tout en demeurant fidèle à Rome, il dénonce les abus de la papauté et les dérives du clergé. Sa posture singulière, héritée d’Érasme, le conduit à être dénoncé comme hérétique, arrêté et jugé par le parlement de Dole. Malade, après ses séjours au cachot, il s’éteint à Besançon le 22 mai 1572.
Immortalisé par une célèbre gravure qui le représente avec son maître et ami Érasme de Rotterdam, G. Cousin reste dans l’imaginaire collectif l’éternel secrétaire du « prince des humanistes ». Véritable érudit, doté d’une solide maîtrise des langues anciennes et d’une fidélité inébranlable, quoique critique, au catholicisme dans le contexte de la Réforme, Gilbert Cousin est une figure importante de l’humanisme de son temps.