Victoire, Besançon obtient sa faculté de droit !

Damienne Bonnamy

Ce 9 novembre 1691, c’est par le pont Battant que le corps professoral dolois entre à Besançon, sous les acclamations de la foule. L’université quitte Dole pour rejoindre le parlement, transféré dès 1676, puisque ces deux institutions doivent désormais avoir partie liée pour l’enseignement du droit.

Édit du roi de décembre 1745, donné à Versailles. Cet édit du roi Louis XV, donné à Versailles en décembre 1745, porte sur la création d’un professeur de droit public à l’université de Besançon. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. Chiflet 206.

La constitution de l’État moderne nécessite des jurisconsultes dont la formation serait organisée et surveillée par le pouvoir royal, tant la situation est alarmante1. La faiblesse des universités, montrée par l’enquête de 1666-1667, exige des mesures de redressement, particulièrement pour le droit, devenu si important. Finalement, l’édit de Saint-Germain-en-Laye d’avril 1679 réforme l’étude comme l’enseignement du droit2. Il s’agit de moderniser une formation inadaptée, de recruter des enseignants intègres, renonçant aux leçons particulières et délivrant des diplômes après des examens sérieux ! Placer l’enseignement sous le contrôle parlementaire permettrait d’avoir un vivier de maîtres et de nourrir, par la jurisprudence, un enseignement jusque-là beaucoup trop théorique, tout en unifiant le droit. Et, surtout, le droit français : tel est bien, en réalité, l’enjeu premier.

Diplôme de droit délivré le 2 août 1726. Ce diplôme de droit de l’université de Besançon a été remis, le 2 août 1726, au Bisontin Denis Ignace Mouret de Chatillon (1709-1784), par le professeur Jean François Mareschal de Longeville (1657-1745). Fils d’un président à mortier au parlement, Denis Ignace Mouret de Chatillon fut conseiller au parlement à partir de 1729 puis président à mortier. Pascal Brunet. université de Franche-Comté, BU Proudhon. Emmanuel Laurent.

Si l’édit s’attache aux droits romain et canonique formant la colonne vertébrale du corpus juridique, il dispose que « [l]e droit François contenu dans [les] Ordonnances et dans les coutumes fût publiquement enseigné […] dans toutes lesdites Facultezs » (art. XIV) par un professeur nommé par le pouvoir royal, sur présentation du parquet du parlement, avalisée par le chancelier, et non plus élu par ses pairs. Autrement dit, un intrus, pas forcément docteur, mais plutôt un praticien, risquant fort d’être rejeté par les professeurs régents. C’est ce qui arrive à Besançon : Louis XV doit réitérer, en 1744, l’ordre d’inclure le professeur de droit français, Tixerand fils, dans le corps professoral.

Diplôme de droit de Jean Alexis Besançon, “licencié aux lois”. Ce diplôme de droit de l’université de Besançon a été remis, le 2 août 1726, au Bisontin Denis Ignace Mouret de Chatillon (1709-1784), par le professeur Jean François Mareschal de Longeville (1657-1745). Fils d’un président à mortier au parlement, Denis Ignace Mouret de Chatillon fut conseiller au parlement à partir de 1729 puis président à mortier. Pascal Brunet. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. Chiflet 206.

N’importe, la faculté compte à ses débuts six professeurs ordinaires, autant que dans les plus célèbres institutions du royaume. Les étudiants se pressent en nombre, l’effectif passant de 130 inscrits en 1701-1703 à plus de 200 vers 1720. Désormais, les fils de bourgeois et même de paysans disputent les grades aux rejetons nobles. C’est toute une province qui se développe. La création d’une faculté de droit à Dijon, en 17233, ralentit le mouvement, sans l’interrompre. L’enseignement souffre cependant d’un manque criant : le droit public n’est pas au programme, alors que l’état de nature, comme le contrat social conclu par des hommes aux droits inaliénables, sont désormais au fondement de l’organisation politique selon l’école du droit naturel.

En 1745, Louis XV fonde, à Besançon, la première chaire de droit public de France et de Navarre, afin que soit enseigné le droit « qui a lieu entre les différentes nations » ou s’observe dans le royaume et, en particulier, en Franche-Comté. Proche de l’Allemagne et de la Suisse, la faculté bisontine sera ainsi « encore plus célèbre et plus utile, non seulement aux sujets [du royaume] mais aux étrangers, qui seront attirés par cet établissement à venir y faire des études où il ne manquera rien pour leur instruction »4. La nomination, à cette chaire, de François Élie Courchetet (1699-1766), seigneur d’Esnans, conseiller au parlement, fonction des plus prestigieuses, signe l’ambition royale en même temps qu’un renoncement. Envoyé pour diverses missions à l’étranger, le professeur décède sans jamais avoir dispensé une heure d’enseignement ! Et la faculté repousse à plusieurs reprises la candidature à ce cours de François Droz (1735-1805), conseiller au parlement, historien du droit public comtois.

Le siècle finit comme il a commencé : Universitas semper reformanda, l’Université toujours à réformer ! Voire à supprimer comme le fait la Convention en 1793…


Notes :
1 – S’agissant des facultés de droit et de l’enseignement du droit, pour une bibliographie détaillée, on se reportera aux Annales puis, à partir de 1983, à la Revue d’histoire des Facultés de droit et de la science juridique. 2 – « Édit du Roy portant Règlement pour l’Étude du Droit canonique et civil », BnF [https://gallica.bnf.fr]. 3 –  Voir la notice : « Les conséquences de la création de la faculté de droit de Dijon ». 4 – « Édit du Roy pour la Création d’un Professeur de Droit public à l’Université de Besançon », 1745, BMB, coll. Chifflet, Pièces concernant l’Université de Besançon, fol. 185.
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