Simon Renard (1513-1573)

Marie Barral-Baron

Dans les premières scènes de son drame intitulé Marie Tudor, Victor Hugo glisse, à plusieurs reprises, le nom mystérieux de Simon Renard, sans expliquer l’origine et la nature de la puissance qu’il lui prête. Mais si le dramaturge se tait et joue de l’ambivalence de son personnage, il sait en réalité fort bien qui est ce Simon Renard, célèbre Comtois au temps de Charles Quint, dont la réputation s’est flétrie à travers les âges.

Portrait de Simon Renard (1513-1573) par Anthonis Mor (1520-1576). Ce superbe portrait de Simon Renard est exécuté par Anthonis Mor en 1553. En juin de cette année, à la suite de l’accession de Marie Tudor au trône d’Angleterre, Simon Renard est nommé ambassadeur d’Espagne en Angleterre où il met en œuvre le mariage de Marie et l’infant Philippe, futur Philippe II. C’est dans ce cadre qu’il commande à Anthonis Mor, pour le prince, le célèbre portrait de la reine, conservé au Musée du Prado et achevé en 1554. Proche conseiller de la reine, Simon Renard représente le prince absent lors du mariage par procuration organisé le 9 juin 1554, un mois avant le mariage solennel. Ce portrait faisait partie des collections de la famille Granvelle, puis de celles de l’abbé Boisot. Besançon, Musée du Temps, Inv.D.1694.1.1. Pierre Guenat

Né en 1513 à Vesoul, alors petite cité du comté de Bourgogne, Simon Renard est issu d’une ancienne famille locale, les Renard de Bermont. Son père, Thiébaud Regnard, est gouverneur de la seigneurie de Marast en 1515, tandis que sa mère, Jeanne de Bleigney, donne à son époux cinq enfants, dont deux sont entrés au service de l’empereur. Doté d’évidentes qualités pour manier le verbe, Simon Renard fréquente des écoles de Vesoul avant de rejoindre l’université de Dole où il étudie le droit. À l’image de nombre de ses camarades, il choisit de poursuivre sa formation à Louvain, où est alors instruite l’élite de l’administration impériale.

Fait docteur en droit, il retourne à Vesoul afin d’exercer la profession d’avocat dans le bailliage d’Amont. Il s’installe dans sa ville natale, en une belle demeure qui porte encore son nom. Très vite, il est nommé lieutenant général du bailliage, plus haute fonction militaire et juridique. Mais ses années passées à l’université de Dole et à Louvain se rappellent bientôt à lui. Dans ces établissements, il a en effet fait la connaissance d’Antoine de Granvelle, qui repère immédiatement chez ce dernier ses talents d’éloquence et son habileté à manier les hommes.

Grâce à la protection du père (Nicolas Perrenot de Granvelle) et de son fils, alors évêque d’Arras, Simon Renard est nommé gouverneur provisoire du duché de Milan. Il est présent à la bataille de Mühlberg le 24 avril 1547, ce qui lui vaut de devenir maître des requêtes ordinaires de l’hôtel de l’empereur. Il siège à la diète d’Augsbourg en 1547-1548, puis est institué comte palatin par Charles Quint en janvier 1548. Très adroit, maniant parfaitement le verbe, il s’impose dans le milieu diplomatique : s’il est d’abord honoré d’une ambassade à la cour de France, il est ensuite choisi pour représenter l’empereur à la cour d’Angleterre. C’est notamment en cette qualité qu’il fait signer le traité de Vaucelles entre Henri VIII et l’Espagne en 1556. Toutefois, c’est surtout pour le mariage entre l’infant Philippe d’Espagne (futur Philippe II) et Marie Tudor qu’il laisse sa marque politique, car il participe activement aux discussions complexes qui précèdent cette union, conclue en 1554.

« C’était un homme fort habile, ardent, beau parleur, mais railleur et turbulent »1, écrit l’abbé Boisot pour décrire Simon Renard, évoquant ainsi en filigrane la fin tragique de cet ambassadeur. Antoine de Granvelle, son plus ancien ami, celui qui avait fait, avec son père, sa fortune et sa réputation, est devenu son plus proche ennemi, convaincu d’avoir été trahi par lui au fil de ses ambassades et négociations. Le 8 août 1573, à Madrid, après 22 années passées au service de l’Empire, Simon Renard s’éteint, seul, abandonné de tous, dans la cellule d’une prison. Ce décès est encore aujourd’hui l’objet de discussions : suicide ? assassinat ? Victor Hugo joue de ce mystère dans sa pièce Marie Tudor, dessinant ainsi, pour l’éternité, un être nimbé d’ombres et de lumières.

Notes :
1 – BM Besançon, Ms 1244, Lettre de l’abbé Jean-Baptiste Boisot à Pelisson, « Sur un projet de biographie du cardinal de Granvelle », p. 106 (manuscrit en ligne sur “Mémoire vive”).
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