Dom Antoine de Roche (1420-1505), fondateur du collège bénédictin de Saint-Jérôme

Jacky Theurot

Vers 1420, Dom Antoine de Roche, nait à Poligny ou Vaux-sur-Poligny. Il entre au prieuré de Vaux puis à l’université de Dole. Vers 1452, il y acquiert le grade de docteur en droit pontifical accédant à une chaire dans les deux droits jusqu’en 1480. Devenu Grand prieur de Cluny, il dispose en bénéfice du prieuré Saint-Pierre de Morteau. Proche de l’archevêque de Besançon, l’université demande même sa nomination comme sous-conservateur des privilèges1. Il sert le prince, notamment avec Jean Carondelet, dans diverses affaires de justice.  

Après des temps difficiles (pestes, guerres, commende2…), les Bénédictins pensent qu’il faut à tout prix relancer les études et la formation des jeunes moines afin de redonner à l’ordre un prestige terni. Renseignés par Antoine de Roche sur la ville de Dole, l’ordre bénédictin mesure l’intérêt de bénéficier du rétablissement de son université, proche de Cluny, même si l’on est en terre d’Empire. Antoine de Roche est chargé de trouver les moyens d’engager, à Dole, la fondation d’un collège bénédictin attaché à l’université et placé sous le patronage de Saint-Jérôme, grand docteur de l’Église latine (340-420), saint patron des théologiens et érudits. Vers 1492, il achète un terrain adossé aux fortifications pour construire ce collège. Après en avoir obtenu la permission de l’empereur Maximilien et de son fils Philippe le Beau3. Deux ans avant, Antoine avait fait engager, le 16 novembre 1496, la construction des bâtiments, approuvée par Jacques d’Amboise, alors abbé de Cluny, et confirmée par une bulle du pape Alexandre VI le 7 avril 1499 4. Pendant plus de trente ans, Antoine est un maître exceptionnel et un fin lettré. Son grand souci est de faciliter aux novices de l’ordre, l’étude des beaux-arts, de la théologie et du droit canon dans l’objectif de former des religieux d’élite, à même de remplir des charges importantes et de servir utilement l’Église. 

« Bibliophile averti », il acquiert lors de séjours en France, de nombreux ouvrages, parfois anciens, qu’il marque de ses armoiries. Ils constituent le riche fonds du collège Saint-Jérôme toujours conservé aujourd’hui à la Médiathèque de Dole. En juillet 1498, alors que des menaces de guerre agitent les esprits dolois, « Monseigneur de Morteau » demande l’autorisation de quitter la ville et d’emmener ses livres, craignant qu’une incursion française ne puisse les détruire 5! Dès 1491, il avait demandé à Michael Wensler d’installer une imprimerie à Cluny. 

En 1501, Antoine résigne le prieuré de Morteau à son cousin germain dom Henry de La Roche, puis, en 1504, celui de La Charité-sur-Loire à dom Jean de La Madeleine, avant de lui laisser l’administration du collège. Il meurt à Cluny le 8 avril 1505 où il est enterré. 

Notes :
  • 1. Demande de nomination : ADD G 183, 22 décembre 1462 ; cité comme docteur ès droits et prieur de Morteau, une délibération du chapitre indique qu’il acquit pour 120 livres la maison du chanoine Jean Jouffroy dans le quartier capitulaire de Besançon ADD G 185, 31 juillet 1470. A propos d’Antoine de Roche, Claude Bosc, Le collège bénédictin de Saint-Jérôme de Dole, Maîtrise non publiée, Université de Franche-Comté, dir° Maurice Gresset, Besançon, UFR Lettres, 1973. Danielle Ducout, « La bibliothèque municipale de Dole et ses richesses », Travaux de la Société d’Emulation du Jura 1978, Lons-le-Saunier, 1979, p. 352-353, et Jacky Theurot, « des livres et de leur usage dans le comté de Bourgogne aux XIVe et XVe siècles », Lecture et lecteurs en Bourgogne, du Moyen-Âge à l’époque contemporaine, Dijon, Annales de Bourgogne, tome 77, fasc. 1 et 2, 2005, p. 71-112 ; Jacky Theurot et Bénédicte Gaulard, « Entre histoire et patrimoine. Les Bénédictins en pays dolois : Jouhe, Dole, Mont-Roland, du prieuré au collège »Les Cahiers Bernon 6, Lons-le-Saunier, Aréopage, 2012, p. 41-90 (en particulier p. 68-78).
  • 2. Dans le régime de la commende, un ecclésiastique ou un laïc tient une abbaye ou un prieuré in commendam, c’est-à-dire en percevant personnellement les revenus, et, s’il s’agit d’un ecclésiastique, en exerçant aussi une certaine juridiction sans toutefois la moindre autorité sur la discipline intérieure des moines
  • 3. terre d’Empire alors que les Habsbourg viennent de reprendre possession de la Comté
  • 4. Exposition sur l’art des frères d’Amboise en 2007-2008 au Musée de Cluny (catalogue).
  • 5 . Jacky Theurot, « Dole, capitale du comté de Bourgogne au tournant des XVe et XVIe siècles », La Franche-Comté à la charnière du Moyen-Age et de la Renaissance (1450-1550), Besançon, PUFC, Annales littéraires 759, 2003, p.88 n.60.
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