Les revenus et privilèges des professeurs bisontins

André Ferrer

La rétribution des professeurs de l’université bisontine est constituée de plusieurs éléments : une dotation sur les salines de Salins, une part des droits d’inscription et d’examens, des avantages en nature et des privilèges.

Le traitement fixe est des plus modestes car il procède d’une attribution, faite en 1617, de 3 300 francs comtois (2 200 livres tournois) par an sur les finances des salines de Salins, destinée à l’ensemble des enseignants. Cette somme est restée fixe jusqu’à la Révolution, il faut, en outre, en déduire les impôts royaux, capitation et dixième, et la répartir entre tous les professeurs et certains administrateurs. Ce traitement modique ne représente que 86 à 274 livres nettes pour les professeurs. De plus, la répartition s’avère inégale : l’essentiel va aux professeurs de droit (les plus nombreux), tandis que ceux de médecine et de théologie sont plus mal lotis. Les plus anciens et les doyens sont mieux rémunérés. Le recteur touche un supplément de 48 livres, le trésorier 66 livres. Comparé à d’autres universités, ce revenu reste très faible : à Orléans ou à Douai, un professeur touche 2 000 livres par an.

Extraction de l’eau salée aux Salines de Salins, 1630. Ce système d’extraction fonctionne par des roues à auges que font mouvoir des chevaux. Pascal Brunet. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. Chiflet 44, f°71.

À partir de 1723, pour dédommager l’université bisontine de la création de celle de Dijon, le roi attribue aux universitaires bisontins les revenus du prieuré de Vaucluse. À la fin du siècle, le prieuré fait l’objet d’un bail qui rapporte 4 000 livres par an en 1773, somme répartie entre le personnel. Cela impose au secrétaire et au bidel (bedeau) général un surcroît de travail, puisqu’ils doivent se livrer à de multiples contrôles des charges et bénéfices du prieuré.

En réalité, l’essentiel des revenus des professeurs provient d’un reversement des droits payés par les étudiants pour leur inscription et pour leurs examens ou soutenances de thèses. Évidemment, cette partie des revenus est incertaine, elle varie en fonction du nombre d’étudiants inscrits chaque année et dans chaque faculté. À cette aune, les juristes sont les mieux traités et les théologiens les plus mal lotis. Les évaluations faites pour la période postérieure à 1765 montrent des recettes variant considérablement d’une année à l’autre mais en moyenne, un professeur de droit reçoit plus de 2 000 livres par an, un professeur de médecine autour de 1 000 livres et un théologien 500 à 600 livres.

Cuisson de l’eau salée aux Salines de Salins, Anathoille Chatel, 1630. Cette gravure représente l’arrivée de la muire dans la poêle et le chauffage de celle-ci. Pascal Brunet. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. Chiflet 44, f°71.

À ces revenus, il faut ajouter quelques avantages en nature et des privilèges, l’université de Besançon ayant conservé ceux attribués à celle de Dole. Les universitaires bisontins obtiennent la noblesse personnelle, confirmée par une déclaration royale du 14 septembre 1696, ce qui leur permet de porter le titre de « Messire ». Comme les membres du parlement, ils ont droit au franc-salé, c’est-à-dire collectivement à seize charges de sel de Salins qui leur sont attribuées presque gratuitement[1], avantage non négligeable alors que le sel est précieux, même en Comté. Ils échappent également au logement des gens de guerre et aux taxes municipales. Pour leurs biens fonciers ruraux, ils ont droit à la « portion colonique » qui les dispense des deux tiers de l’impôt ordinaire[2]. Ils disposent de privilèges juridiques et judiciaires, le commitimus[3] et le droit de juger en première instance tous les membres de l’université pour certains crimes et délits. Enfin, ils bénéficient de préséances lors des cérémonies publiques en ville, à la cathédrale, lors de défilés, processions ou événements. Le recteur, portant bonnet et toge rouge, conserve le droit de siéger après les présidents à mortier du parlement, mais avant les conseillers. Ces querelles de préséances, qui peuvent paraître futiles, étaient fondamentales dans la société d’Ancien Régime, attachée au rang social. Cela donne lieu à de multiples procès contre d’autres institutions, notamment le parlement. Le fait est que l’université de Besançon a su défendre sa place dans la société et conserver des droits souvent absents d’autres universités françaises.

Notes :
1 – Vingt-trois sols à payer par charge, une charge compte 48 pains de sel, soit environ 60 kilos. 2 – L’impôt ordinaire correspond à la taille royale perçue ailleurs dans le royaume. 3 –  Droit de juridiction permettant de n’être jugé que dans la province.
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