Au moment de l’armistice du 11 novembre 1918, près de deux millions de soldats américains sont présents sur le sol français. Entre le 11 novembre et la signature du traité de Versailles, le 28 juin 1919, dans l’éventualité où la guerre reprendrait, ces soldats restent en France. Pour les occuper et aussi dans un esprit de coopération et de rapprochement entre la France et les États-Unis, il est décidé de permettre à une partie d’entre eux de poursuivre leur éducation dans les universités françaises1. Du fait de la mobilisation générale, celles-ci sont alors vides d’étudiants. C’est ainsi que l’université américaine de l’AEF (corps expéditionnaire américain) fonctionne, de mars à juin 1919. Son centre est à Beaune, en Bourgogne, mais toutes les universités françaises reçoivent des contingents d’étudiants soldats américains. Même la plus petite, Besançon, en reçoit 147 sur un total d’environ 7 500 dans toute la France (et 2 000 dans les universités du Royaume-Uni) (figure 1). Comme il n’existe pas encore de résidences universitaires en France, ils sont logés dans des casernes, dans des pensions de famille ou chez l’habitant.
Trois premiers numéros de The Besançonian, numéro 1 (avril 1919), numéro 2 (mai 1919) et numéro 3 (juin 1919). Bibliothèque municipale de Besançon, Br.A.1(2)-N°1.
Ces étudiants restent soumis à la discipline militaire et vont en cours en uniforme. Cependant, l’AEF tient à préserver l’esprit libéral des universités américaines2. Dans chacune des villes qui les accueillent, ils produisent un journal qui, à Besançon, s’appelle The Besançonian (figure 2)3. Une grande liberté de ton s’affirme dans ses trois numéros parus en avril, mai et juin 1919. On y trouve des caricatures de professeurs, tel le doyen Albert Kontz (1852- ?) (figures 3 et 4). qui leur enseigne le français, des publicités en anglais ou bilingues pour les boutiques bisontines. Dans le premier numéro, un article relate l’anecdote d’un étudiant qui se promène avec une famille française par une pluie battante. L’étudiant sort alors son parapluie pour abriter la jeune fille car c’est ce qui se fait quand on est un gentleman. Un membre de la police militaire, qui passe par là, lui ordonne de ranger son parapluie car c’est interdit quand on est en uniforme. L’article critique les ordres qui entrent en conflit avec les règles de la galanterie. Les étudiants américains quittent Besançon le 30 juin 1919.
Caricature du doyen Albert Kontz (1852- ?), dans le journal The Besançonian, page 9, numéro 2 de mai 1919. Bibliothèque municipale de Besançon, Br.A.1(2).
Photographie de M. Kontz, professeur de langue vivante et doyen de la faculté des lettres, illustrant un article, intitulé Like Father, Like Son, p. 21 de The Besançonian. Bibliothèque municipale de Besançon, Br.A.1(2).
L’AEF dispose aussi de ses propres cameramen. Un film, numérisé par les archives américaines, est accessible sur YouTube. Toutes les universités françaises, dont celle de Besançon sont présentes4.