Pour cette dernière période allant de 1540 à 1601, 27 matricules annuelles figurent dans les registres1. Elles diffèrent sur le plan du volume avec une moyenne de 18 pages. La plus courte tient en 2 pages contre 41 pour la plus longue. La langue est toujours le latin, avec de rares paragraphes en français.
Frontispice de l’année 1547, début du rectorat Christophe Mellinger. Les deux colonnes Renaissance qui encadrent cette grande baie peinte à la gouache portent, à gauche, le blason de la Franche-Comté, et, à droite le sceau à la main de Dieu de l’Université. Celui du recteur est placé en bas et au centre. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. 983, f°54 bis.
La matricule est l’œuvre du recteur, élu pour un an, ce qui explique les variations d’écriture de l’une à l’autre. Le document commence ordinairement par le récit de l’élection de son auteur, puis par la déclinaison de l’identité des sept officiers qui le secondent dans sa tâche : un procureur général, un procureur particulier et un conseiller pour chacune des facultés (arts, droit civil et droit canon). Le recteur dresse la liste des diplômés de l’année, en distinguant le niveau des diplômes (doctorat, licence et baccalauréat) et, parfois, la discipline. Les professeurs et employés recrutés par l’université sont également mentionnés. La partie la plus longue est la liste des nouveaux inscrits, pour lesquels le mode de présentation varie selon les auteurs. Si certains recteurs retiennent un ordre alphabétique ou plus rarement, chronologique, en règle générale, cette liste est ordonnée selon les hiérarchies sociales propres à l’Ancien Régime. Les nobles figurent en premier (avec parfois une distinction entre grande et petite noblesse), puis viennent les roturiers. Certaines années, une rubrique intermédiaire accueille les clercs ou les nouveaux inscrits déjà titulaires d’un diplôme. La matricule se clôt, si nécessaire, par la liste des membres décédés au cours de l’année, puis par le récit de faits que le recteur de l’année juge digne d’être consignés.
Frontispice de l’année 1553, début du rectorat de Thierry Vanderkarck. La Partie supérieure de la page présente, sous le nom du recteur, ses grandes armes complétées de la devise antique reprise par Érasme, Omnium rerum vicissitudo, les vicissitudes de toutes choses. Dans la partie inférieure l’artiste a représenté une roue de la fortune autour de laquelle, quatre hommes, dont deux universitaires reconnaissables à leurs chapeaux carrés, tiennent chacun un phylactère sur lesquels sont écrits : regnabo, je règnerai, regno, je règne, regnaueram j’avais règné. La page est en bas complétée par la maxime Si fortuna uolet, fies e rhetore consul Si Fortuna uolet, fies e consule rhetor. Ce qui veut dire : Si la Fortune le veut, de rhéteur tu deviendras consul. Si la Fortune le veut, de consul tu deviendras rhéteur. Pascal Brunet. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. 983, f° 163.
La diversité des matières figurant dans la matricule tient à la multiplicité des fonctions remplies par celle-ci. En premier lieu, il s’agit d’un document de droit, devant permettre d’établir la frontière entre les membres du corps universitaire et les autres. Une telle distinction est d’importance. Elle permet aux inscrits de jouir de privilèges propres, tels que l’exemption fiscale accordée par le pouvoir souverain pour encourager les études, et le privilège judiciaire qui permet d’être placé sous la juridiction clémente du recteur plutôt que sous l’autorité des juges ordinaires. Au-delà de cette fonction administrative, la matricule joue un rôle identitaire, afin d’assurer une fierté d’appartenance et une mémoire collective, ce qui explique le soin apporté à son élaboration sur le plan formel, ainsi que l’inclusion de Memorabilia en fin de matricule. Ces dernières rapportent des événements qui ont frappé le corps universitaire : tel étudiant a été réclamé par le bailli pour avoir eu en sa possession des livres de Calvin, tel autre, étudiant aveugle, a cependant réussi à progresser in omni scientiarum genere. Elles attestent ainsi l’expression d’une sensibilité commune, comme lorsque le recteur déplore « la douleur de notre université » (« doloris universitati nostræ ») en égrenant la liste des victimes de la peste en 1581.
Frontispice de l’année 1554 début du rectorat de Mathieu Stainberger. Au-dessus des grandes armes du recteur, le tableau central représente le recteur recevant des mains de la Gloire, puis voyant emporter par elle la robe rectorale. Cette scène trouve son explication dans la maxime latine qui la surmonte : Gloria fugientem sequitur insectantem fraudat. La gloire poursuit qui la fuit, elle trompe qui la poursuit. La date, 1553, figure sur le bouclier du personnage couronné aux trois visages placé en haut à gauche du portique rose. Le dieu Saturne qui préside au Temps complète l’ensemble, muni de sa faux. Pascal Brunet. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. 983, f°140.
