Paul Parmentier (1860-1941) – Au nom de la Rose et théorie des espèces

Arnaud Mouly

Paul Parmentier est tout d’abord instituteur à Arbois, puis professeur de biologie au collège de Baume-Les-Dames. Après avoir soutenu une thèse de botanique tropicale, il enseigne à l’université de Besançon, de 1903 à 1920, avant d’être nommé professeur de botanique générale, de 1920 à 1930. Il oriente ses recherches sur la botanique systématique des plantes agronomiques, puis se voue au développement du monde agricole, avec la réalisation des cartes agronomiques de chaque commune du Doubs.

Rosa de F. Crepin Herbarium Rosarum, 29 mai 1886. Envoi d’herbiers de Roses de F. Crépin à P.E. Parmentier, dans lequel il interpelle directement son collègue bisontin par notes manuscrites sur les planches afin de lui demander son avis de scientifique sur certaines questions taxonomiques qu’il se pose. Collection Crépin, Muséum d’histoire naturelle, Citadelle de Besançon ; ancienne collection universitaire. Gerard Dhenin.

Dans le cadre de ses précoces travaux de systématique, sous l’influence de son mentor Julien Vesque (1848-1895), P. Parmentier s’attache à questionner la classification des groupes qu’il étudie en introduisant des données anatomiques complémentaires, voire contradictoires, avec les données morphologiques classiquement utilisées. Cette approche scientifique rigoureuse le conduit naturellement à remettre en question des dogmes naturalistes empiriques éprouvés, qu’il confronte à une construction théorique fondée sur des faits et des lois. Il en détermine une vision de l’espèce assez complexe, mais fort intéressante, s’appuyant sur un schéma. Il la résume ainsi : « l’espèce est l’ensemble des végétaux d’un même phylum, qui possèdent les mêmes caractères morphologiques et anatomiques exprimés à des degrés différents. »

Paul Parmentier « graphique idéal de la genèse des diverses entités taxinomiques, à partir de l’espèce rationnelle ou ancestrale, qui est la forme ultime d’un phylum » et sa légende, extrait de sa note « Sur l’espèce en Botanique », présentée par M. Guignard, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences […], juillet 1897 vol 2, p. 1043 et 1044. Bibliothèque nationale de France.

Ce besoin fondamental de clarifier le concept d’espèce végétale vient de l’étude des groupes naturels complexes et magnifiés par l’intervention humaine, comme le groupe emblématique des roses. C’est à lui que Parmentier dédie et dévoue une partie de ses premières années de chercheur. À la suite d’un dur labeur, il pu il publie une révision taxonomique du genre Rosa, fondée sur la morphologie et l’anatomie, en application de son concept d’espèce, avec des espèces primaires ancestrales et des espèces secondaires, nouvellement fixées, mais variables. Parmentier s’oppose scientifiquement à son aîné le professeur belge François Crépin (1930-1903), rhodologue1estimable féru de morphologie. Cette ambitieuse fougue de jeunesse est probablement préjudiciable à tous deux, car ni l’un ni l’autre ne poursuivent leurs travaux sur les roses…

P. Parmentier quitte alors une longue lignée bisontine de spécialistes de géographie botanique descriptive. Il s’investit dans la systématique théorique de laboratoire en réfutant les hypothèses de ses prédécesseurs, tout en apportant de nombreux faits nouveaux issus de sa discipline, l’anatomie végétale. Très rapidement, sa vision meilleure de l’hérédité apporte une nouvelle compréhension de l’espèce. L’essentiel des avancées porte sur le monde animal, bien que les mécanismes en jeu chez les plantes soient plus variés que chez les animaux. Le concept de Parmentier reste toujours partiellement applicable pour les plantes, même s’il est malheureusement rarement mobilisé à ce jour. Aujourd’hui encore, l’intérêt particulier accordé aux spécificités de l’espèce végétale demeure négligeable dans le monde scientifique, en général.

Notes :
1 – Rhodologue: spécialiste des roses et de leur culture
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