Nicolas François Rougnon, professeur réputé de l’université bisontine sous l’Ancien Régime1 (figure 1), naît en avril 1727 à Cornabey, près du village de Montlebon (Doubs). Fils du chirurgien Nicolas Rougnon (v. 1685-1757) et de Jeanne Balanche-Richard (v. 1694-1744), il effectue ses humanités au collège des Jésuites de Besançon, puis entame des études de médecine à l’université de cette ville. Il bénéficie de l’enseignement de grands professeurs comme Nicolas Billerey (v. 1667-1759), René Charles (v. 1685-1751) ou encore Claude François Atthalin (1701-1782). Il devient bachelier en médecine en 1745, puis passe sa thèse de licence en médecine en 1749. Pendant un an, Rougnon travaille avec son père, puis part étudier à Paris où il est l’élève de Jacques Bénigne Winslow (1669-1760) et de Jean Astruc (1684-1766).
Rougnon revient à Besançon avec l’idée d’obtenir le titre de professeur. Il se présente au concours de 1752, avec l’appui de son ancien professeur Atthalin et une dispense d’âge, sur la chaire laissée vacante par le décès du professeur René Charles. Mais il échoue et c’est Gabriel Lange (1700-1788) qui l’occupe. En 1753, Rougnon est nommé médecin chef des hôpitaux civils et militaires de Besançon. L’année suivante, il épouse Françoise Bernadette Gresset (1732-1815), fille d’un avocat au parlement de Besançon, avec laquelle il a sept enfants.
En 1759, à l’âge de 32 ans, il est finalement reçu au concours de professeur de l’université sur la chaire du doyen Billerey, décédé. Il occupe cette chaire de médecine pendant près de 40 ans et exerce les fonctions de recteur de l’université à plusieurs reprises2. En 1762, Rougnon est élu membre de l’académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, qu’il préside de 1765 à 1788. Il est ainsi l’un des premiers provinciaux à prendre rang parmi les membres de la Société royale de médecine. Il entretient une correspondance, tout d’abord purement scientifique, puis amicale, avec le secrétaire de cette société, le célèbre médecin parisien Félix Vicq d’Azyr (1748-1794).
Le nom de Rougnon reste associé à un débat ancien sur la primauté de la description de l’angine de poitrine. En 1768, dans une lettre adressée à l’un de ses collègues parisiens, Anne Charles Lorry (1726-1788), Rougnon décrit, avec de nombreuses digressions, le cas d’un patient qui a présenté, lors d’un effort, une douleur dans la poitrine et un essoufflement. Le patient décède et Rougnon effectue l’autopsie, qui ne comporte cependant pas d’étude du cœur. Il rattache finalement les douleurs à des ossifications des cartilages costaux3. Quatre mois plus tard, devant le Royal College of Physicians de Londres, le médecin anglais William Heberden (1710-1768) présente une description clinique analogue, mais plus détaillée 4. Une longue controverse débute entre eux, sans réel objet puisque ni Rougnon ni Heberden n’ont pensé à rattacher les douleurs à une anomalie de la circulation cardiaque. L’évolution des idées durant les décennies suivantes permettra d’isoler véritablement le concept d’angine de poitrine5.
Rougnon possède à la fois un hôtel particulier à Besançon (26, rue Mégevand), le château de la Tour-de-Sçay (Doubs) et des terres en Haute-Saône. Catholique et monarchiste affiché, il est inquiété, ainsi que sa famille, par la tourmente révolutionnaire, puis révoqué de toutes ses charges. Il participe toutefois brièvement à l’école libre de médecine de l’hôpital Saint-Jacques en formant des chirurgiens militaires. Certains de ses manuscrits en latin sont entreposés à la bibliothèque universitaire de santé de Besançon. Il décède le 6 juillet 1799, après avoir publié un traité résumant son expérience médicale (figure 2).