L’université de Dole dans la concurrence interuniversitaire européenne de la Renaissance

Antoine Fersing

La seconde moitié du XVIe siècle représente un moment d’intensification des rivalités entre établissements. Université largement cosmopolite, le studium dolois est de ce fait très sensible à la concurrence qui s’exerce en Europe dans ce domaine. Cette période voit s’accroître rapidement les rivalités entre établissements. En effet, entre 1551 et 1600, 47 nouvelles universités sont fondées, parmi lesquelles on compte Dillingen en 1553, Milan en 1556, Genève en 1559, Douai en 1562, Pont-à-Mousson en 1572, Leyde en 1575 et Franeker (en Frise occidentale) en 1585. Toutes sont susceptibles, à des degrés divers, de rivaliser avec la fondation comtoise. Dès cette époque, des guides de voyage destinés aux étudiants comparent les différentes universités du continent, contribuant ainsi à produire des effets de réputation et à orienter les choix des individus et des familles.

Cartographie des étudiants fréquentant l’université, localisés et identifiés comme issus du diocèse de Besançon (1484-1530). Jacky Theurot.

Dans certains cas, il est possible de mesurer les effets concrets de ces rivalités. À Dole, après 1562, année de fondation de l’université de Douai, le nombre de nouveaux inscrits originaires des Pays-Bas diminue sensiblement. Entre 1540 et 1562, ils sont en moyenne de seize par an, puis de quatre seulement pour la période ultérieure, jusqu’en 1601. L’étude des origines géographiques précises des étudiants comtois inscrits à Dole prouve combien la concurrence exercée par ces nouvelles universités affecte également les candidats locaux aux études supérieures. De ce point de vue, il apparaît que les 210 Comtois inscrits à l’université doloise sont, en majorité, issus du sud-ouest de la province : 100 de Dole même, 39 de Besançon, 31 de Salins, 19 de Poligny, mais seulement 12 de Vesoul et 9 de Gray. Compte tenu de la taille de ces quatre dernières localités, il apparaît que les étudiants du nord de la province poursuivent ailleurs qu’à Dole les études auxquelles ils aspirent. La matricule des diplômés de la faculté de droit de l’université de Pont-à-Mousson le confirme : entre 1572 et 1620, treize Comtois y obtiennent des diplômes. Dans ce contexte, les autorités universitaires doloises et les pouvoirs qui les soutiennent se doivent de soigner la réputation de l’université afin de préserver et d’accroître sa capacité à attirer des étudiants, étrangers ou comtois.

Diagramme des étudiants fréquentant l’université de Dole (1484-1530) d’après les annales des recteurs. Étudiants relevés dans des chartes, étudiants gradués, étudiants immatriculés. Jacky Theurot.

Des professeurs prestigieux, de notoriété européenne, sont recrutés. Des mesures strictes sont prises afin d’assurer la régularité des enseignements, notamment en procédant à des retenues sur salaire pour les enseignants souvent absents. Deux chaires nouvelles, de grec et d’hébreu, sont créées afin d’adapter l’enseignement aux attentes des humanistes. Ainsi, l’université parvient à maintenir son niveau de recrutement, avec une cinquantaine de nouveaux inscrits par an, nombre comparable à celui du début du siècle. Dès lors, contrairement aux 12 des 32 établissements universitaires fondés dans l’Empire au xve siècle, l’université de Dole peut s’enorgueillir d’avoir survécu à cette intense compétition.

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