Le nombre d’étudiants fréquentant l’université bisontine est difficile à établir avec précision. Les guerres et les épidémies du XVIIe siècle ont réduit le rayonnement de celle de Dole. La paix revenue, avec l’expansion démographique et économique, l’essor des offices et la nécessité de mieux administrer la province créent des besoins considérables en gradués. Au début du XVIIIe siècle, l’université de Besançon compte environ 250 étudiants, mais la création de la faculté de droit à Dijon lui porte un coup sérieux. Les étudiants en droit, qui constituent le plus gros des effectifs, passent, après 1723, de près de 200 à moins de 100 ; les Bourguignons, qui constituaient le tiers des juristes en 1721, ont déserté, mais aussi ceux venant des provinces voisines. Cette situation de crise se résout partiellement dans les années suivantes, le nombre d’étudiants en droit s’accroît, approchant 150 par an à partir de 1735, ceux de médecine restent une petite trentaine, tout comme ceux de théologie. L’Almanach historique de Besançon1, quirelate que 200 « étudiants » se pressent aux cours du professeur de théologie Jean-Baptiste Bullet, révèle non sans exagération la curiosité suscitée par cet orateur de grand talent. Les étudiants réellement inscrits en théologie sont en nombre bien plus réduit.
Plus de huit étudiants sur dix sont des Comtois, un quart vient de la ville de Besançon, un autre quart des bailliages de Vesoul et de Gray. L’autre moitié des Comtois provient du reste de la province, essentiellement des chefs-lieux de bailliage. Parmi ceux issus des provinces voisines, l’Alsace vient en tête dans toutes les facultés, avec près du tiers des régnicoles, suivie de la Bourgogne, de la Lorraine (avec les Trois Évêchés), de la Champagne et de la Bresse. Régulièrement, quelques étudiants isolés, surtout en médecine, sont issus de provinces plus lointaines : Lyonnais, Normandie, Île-de-France, Anjou… Les Suisses sont présents en petit nombre dans les trois facultés : ils ne peuvent venir que des cantons ou pays catholiques, puisque les protestants sont refusés à Besançon. Les habitants de l’évêché de Bâle (Delémont et Porrentruy) sont les plus nombreux. Par ailleurs, les germanophones représentent près du quart des étudiants helvétiques. Quelques rares Allemands sont parfois mentionnés.
Le recrutement sociologique est sensiblement différent selon les facultés : droit et théologie sont plus élitistes que médecine. Les nobles, qui ne sont que 0,28 % de la population comtoise, voient leurs fils proportionnellement 100 fois plus nombreux en théologie : 28,8 % des étudiants ! En droit, plus d’un étudiant sur dix est d’origine noble, mais la médecine ne les intéresse pas. Les enfants des milieux juridiques et judiciaires (offices du parlement et des justices subalternes, avocats, notaires, procureurs, huissiers) représentent sans surprise deux étudiants en droit sur trois, un carabin sur cinq et un étudiant en théologie sur quatre, de même que les enfants du milieu médical sont plus du tiers des futurs médecins et un dixième des juristes. Lorsqu’un fils d’apothicaire ou de chirurgien accède à un diplôme universitaire, cela signifie une ascension sociale.
Les fils de commerçants ou d’artisans représentent plus d’un étudiant sur dix en droit, un sur cinq en médecine et un sur treize en théologie. Les enfants de cultivateurs, peu nombreux en droit (4,5 %) et en théologie (6 %), sont près d’un étudiant sur dix en médecine. Cela reste peu par rapport à une population très largement paysanne, mais annonce une évolution. La population comtoise est déjà largement alphabétisée, même dans les campagnes, où il y a une école par village ; il faut toutefois une certaine aisance pour permettre aux enfants d’aller au-delà de ces petites écoles. La reproduction sociologique d’une génération à l’autre est réelle, mais des ouvertures existent, non sans tensions comme le montre l’affaire Dupuy.