La place des étudiants dans la cité de Besançon au XVIIIe siècle

André Ferrer

Dans la ville de Besançon, la présence d’étudiants et de collégiens, encore plus nombreux, apporte un réel dynamisme. Se loger, se nourrir et se vêtir, acheter des livres, faire imprimer des textes, ces nécessités du quotidien estudiantin stimulent l’économie dans une cité qui vit essentiellement de la présence du clergé, de l’armée, des gens de justice et des écoliers de tous niveaux.

Les cérémonies universitaires – rentrée solennelle, processions, soutenances publiques de thèses, concours, banquets… – animent la vie sociale et culturelle. Les autorités locales assistent volontiers aux soutenances de thèses, accompagnant le recteur en robe et bonnet rouges, les professeurs en robe et bonnet noirs. Une assistance parfois nombreuse se presse dans la grande salle. Les débats durent des heures et donnent lieu à des affrontements verbaux : à cette occasion, les futurs médecins ou avocats peuvent se faire connaître avantageusement. Le journal local, les Affiches et annonces de Franche-Comté, relate d’ailleurs ces joutes oratoires.

Annonce de la distribution des Prix de l’université dans les facultés de théologie, droit et médecine, publiée dans le journal Affiches et annonces de Franche-Comté, le 27 août 1779. Bibliothèque municipale de Besançon, Per 6210 numéro 35, p. 139.

Les débordements des festivités estudiantines sont aussi une réalité immuable, la “folle jeunesse” menant parfois une vie débridée. Des conflits opposent les étudiants à d’autres catégories : duels avec les militaires (l’affaire Suard), rixes et tapages nocturnes, bris de lanternes ou de vitrines, dettes et grivèleries dans les auberges et même exhumations clandestines de cadavres par les carabins. Les autorités municipales et universitaires tentent évidemment de sévir contre ces excès. À partir de 1707, le repas annuel, que donne l’étudiant en droit élu procureur général, est interdit en raison des désordres consécutifs. En 1765, le traditionnel concours de saut et de fleuret, à l’issue duquel les lauréats reçoivent une paire de gants de soie, est supprimé car des débordements s’ensuivent également. Cette épreuve est remplacée par un concours plus intellectuel, organisé au mois d’avril dans chaque faculté. Les lauréats sont récompensés par des ouvrages, achetés grâce à une dotation annuelle de 1 000 livres sur les salines, obtenue par l’entremise du duc de Randan, lieutenant général de la province. La remise solennelle des prix à lieu le 1er août à compter de 1768, le palmarès en est publié par la presse.

Malgré la présence dans la ville de libraires et de cabinets de lectures philosophiques, l’université ne s’ouvre guère au débat public. À partir de 1749, les étudiants participent cependant au soutien de la contestation parlementaire, très active à Besançon. En 1775, ils célèbrent avec faste le retour des parlementaires exilés ; sérénades et illuminations sont un véritable défi à l’autorité monarchique et à ses représentants, comme l’intendant. Après 1786, une certaine agitation apparaît notamment au sein de cénacles contestataires. Dans ses Mémoires, le général Griois décrit ses débuts dans ce milieu étudiant : « Maître de mes actions, je me livrai, pendant les premiers mois, à la dissipation la plus entière, et je passais tout mon temps avec des jeunes gens, dont plusieurs plus âgés que moi, faisaient leur droit. Nous avions formé une espèce de société littéraire et gastronomique. Les séances, consacrées à la lecture de discours et de dissertations que nous faisions tour à tour sur des sujets donnés à l’avance, se terminaient toujours par un souper où chacun apportait son plat et qu’animait la gaîté la plus franche et la plus bruyante. Nous avions mêlé à tout cela une foule de cérémonies et de signes mystérieux calqués sur ce que nous savions de la franc-maçonnerie… »1. L’adhésion de gradués du cru aux loges maçonniques bisontines est significative, surtout dans les loges « La Sincérité » et « Parfaite Union » qui regroupent, pour la première la haute société locale, et pour la seconde la grande bourgeoisie.

De 1792 à 1794, le maire révolutionnaire de Besançon, Claude François Marrelier de Verchamp, est un diplômé en théologie devenu chanoine, puis défroqué. Enfin, les élus comtois aux assemblées nationales de 1789 à 1830 (des états généraux aux chambres de députés) sont pour le tiers d’entre eux des gradués de l’université de la période 1765-1789.


Notes :
1 – Charles-Pierre Griois, Mémoires du général Griois, 1792-1822, 2 vol., Paris, Plon, 1909 [rééd. B. Giovanangeli, 2003].
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