Les conséquences de la création de la faculté de droit de Dijon

André Ferrer

Pendant longtemps, l’université de Dole, puis de Besançon, a bénéficié d’une certaine exclusivité dans les confins nord-est de la France. Seules Reims, Pont-à-Mousson, Strasbourg et Bâle constituaient des rivales proches, mais les deux dernières attiraient essentiellement les étudiants protestants. Depuis son rattachement au royaume de France, Dijon revendique sa propre université. Le transfert de Dole à Besançon réactive cette demande des Dijonnais, exprimée à plusieurs reprises par les états bourguignons. Les jésuites de Dijon reprennent ce projet en 1721. L’université de Paris, qui craint leur montée en puissance, réussit dans un premier temps à écarter cette initiative.

Lettres patentes du 20 septembre 1723 pour la création de la faculté de droit de Dijon. Archives départementales de la Côte d’or, C03689. F.PETOT-2023.

Le 17 avril 1722, les élus reviennent à la charge avec l’appui du gouverneur de la province de Bourgogne, Louis-Henri de Bourbon-Condé. Disposant d’un parlement, ils souhaitent pouvoir proposer des cours de droit sur place. Le 20 septembre 1723, le roi accorde à Dijon la création d’une faculté de droit civil et canonique, au lieu des quatre facultés demandées. L’édit de Versailles du 22 décembre 1722, confirmé par la bulle pontificale du pape Innocent XIII, le 16 avril 1723, et par les lettres patentes du 20 septembre 1723, tient bien compte de l’existence d’une université voisine.

Les Bisontins ont tout tenté pour s’opposer à ce projet. Une délégation conduite par Joseph Bret, professeur de droit à l’université de Besançon, se rend dans ce but à Versailles. Mais ce dernier trahit lui-même sa mission. Il obtient, en effet, sa propre nomination comme premier doyen de la nouvelle faculté de droit à Dijon ! Et il négocie, en outre, un poste d’agrégé pour son fils, ce qui n’était en principe pas autorisé.

Édit donné à Versailles, le 22 décembre 1722, pris par le Régent au nom du Roi. Archives départementales de la Côte d’or, C03690. F.PETOT-2023.

Dijon crée cinq chaires de droit tandis que Besançon, qui en avait six, en perd provisoirement une, puis deux. La situation est rétablie en 1745, notamment avec la création théorique d’une chaire de droit public. La concurrence de Dijon a provoqué la chute de près de la moitié du nombre d’étudiants en droit de Besançon puisqu’une part importante des étudiants venait de Bourgogne et des provinces voisines1. Besançon retrouve peu à peu ses effectifs annuels de 150 à 200 étudiants en droit : le renom des professeurs Seguin, Marquis, Talbert, Dunod, Courvoisier, y contribue, de même que l’essor démographique de la province et les besoins croissants en juristes.

Par ailleurs, l’université bisontine a obtenu quelques compensations financières : le roi lui accorde les revenus du prieuré de Vaucluse, près de la vallée du Dessoubre. En fait, tant que le prieur est vivant, l’université reçoit une pension de 2 500 livres par an, à répartir entre les enseignants. À cela s’ajoutent des indemnités forfaitaires de 500 livres par professeur de droit, 100 par professeur de théologie, 50 par professeur de médecine et par distributeur, 25 par bedeau et 250 au secrétaire.

Malgré l’érection de l’université de Dijon, Besançon est devenue, au XVIIIe siècle, un centre universitaire assez actif, en grande partie grâce à un corps enseignant de bonne qualité : « l’université poursuit avec dignité et même avec quelque éclat son utile carrière »2.


Notes :
1 – En 1721, sur 160 étudiants en droit, 53 venaient de Bourgogne, 3 de Champagne, 9 du Dauphiné, du pays de Gex et du Lyonnais (Bernard Lavillat, « Les étudiants à Besançon au xviiie siècle », Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, 1963, p. 9). 2 – Bernard Lavillat, L’enseignement à Besançon au XVIIIe siècle, Besançon / Paris, Annales littéraires de l’université de Besançon / Les Belles-Lettres, 1977, p. 109. Bibliographie
  • Bernard Lavillat, L’enseignement à Besançon au xviiie siècle, Besançon / Paris, Annales littéraires de l’université de Besançon / Les Belles-Lettres, 1977.
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