Le premier jardin botanique du Point du Jour

Arnaud Mouly

L’histoire des jardins botaniques à Besançon semble débuter vers 1580, avec le jardin du docteur Jean Chifflet (1550-1602). Après le transfert de l’université à Besançon en 1691 dans l’abbaye des Grands Carmes, et face à l’insistance des professeurs de la faculté de médecine, les moines prêtent un parterre de leur jardin pour les besoins de la formation. Les professeurs souhaitent toutefois un espace avec jardinier logé, ce qui n’est alors pas le cas. Une délibération municipale du 26 janvier 1726 porte que la faculté de médecine revendique un jardin botanique. En réponse, la ville attribue un terrain joignant l’ancien verger du palais Granvelle, le « traige1 » du Point du Jour, et la façade en arrière des bâtiments de transmarchement2 de la ville sur la rue Saint-Vincent3. En 1726, est ainsi officiellement créé un jardin botanique, support de l’enseignement. Il ne comporte que des plantes médicinales au sens large, avec probablement quelques espèces exotiques comme le caféier, le cacaoyer, la vanille et le gingembre.

Plan du Jardin botanique situé au Point du jour. Détail du “Plan du rez-de-chaussée de l’hôtel de gouvernement de Besançon [Palais Granvelle], des terrains, rues et bâtiments adjacents”, dressé le 1er juillet 1756 par Ch. F. Longin. Bibliothèque municipale de Besançon, 20fi19.

Claude Nicolas Billerey (1666-1758), professeur royal de médecine, a la charge et l’honneur d’aménager ce premier jardin. L’organisation interne en parterres semble avoir évolué au cours du temps, notamment sous l’influence du professeur Claude François Atthalin (1701-1782), doyen de la faculté au retrait de Billerey. Le jardin Granvelle se transforme ensuite. D’abord potager sous Louis XV, il devient par la suite promenade publique en 1778. Sous l’influence civique du gouverneur Tallard nouvellement arrivé, à partir de 1729, le trop-plein du jet d’eau, joint à celui de la fontaine des Carmes, permet d’alimenter en eau le jardin botanique nouvellement installé.

D’après des documents des Archives municipales de Besançon, le 11 avril 1778, un contentieux traité par Me Belamy, notaire, oppose madame Thérèse Pierrette Belin à la ville, pour la réalisation de deux baies de fenêtres donnant sur le jardin botanique. Les minutes manuscrites indiquent que le terrain du jardin botanique est propriété de la ville, alors que l’université en gère l’organisation et l’exploitation. C’est aussi grâce aux registres municipaux que l’on peut dater de 1726 l’installation de ce jardin et l’attribution d’une somme au professeur pour l’aménagement des parterres et d’une serre d’orangerie chauffée.

Notice biographique de Claude François Atthalin. Détail du “Plan du rez-de-chaussée de l’hôtel de gouvernement de Besançon [Palais Granvelle], des terrains, rues et bâtiments adjacents”, dressé le 1er juillet 1756 par Ch. F. Longin. Bibliothèque municipale de Besançon, 20fi19.

Selon un plan de 17564, le tracé du jardin botanique apparaît relativement précis. Le terrain présente une forme de rectangle tronqué composé en son centre d’un ensemble de quatre rectangles réguliers de dix parterres linéaires, séparés de cheminements perpendiculaires, de bandes linéaires le long du cheminement principal, et de deux gros massifs. Un puits est disposé non loin du centre et une cabane à outils et un logement de jardinier sont adjoints. Il n’est pas de trace visible de serre. Ce premier jardin botanique officiel est détruit, en 1778, au profit de la construction de la Comédie de Claude-Nicolas Ledoux, sans être réinstallé ailleurs avant 1796.


Notes :
1 – En Franche-Comté : passage étroit permettant d’aller d’une rue à une autre en traversant le pâté de maisons. 2 – Le transmarchement désignait autrefois, dans certaines villes de l’est de la France (notamment en Franche-Comté), un droit de passage des marchandises. Le transmarchement qualifiait également des quartiers de Vesoul (encore usité), de Gray et de Besançon. C’était une taxe payée sur les marchandises qui traversaient la ville sans y être vendues : elle était assise non sur les marchandises elles-mêmes, mais sur les véhicules, d’après le nombre de bêtes qui les tiraient. Ce droit est concédé en 1766 au magistrat (corps de ville) par le gouvernement royal. 3 –  La rue Saint-Vincent est l’actuelle rue Mégevand. 4 – AM Besançon, 20Fi19.
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