En 1929, afin de pouvoir loger convenablement, « dans les meilleures conditions d’hygiène et de confort, et cela pour un prix minime, de façon à faciliter l’accès des études supérieures1 » même aux moins fortunés des étudiants des quatre départements comtois ainsi qu’aux étudiants étrangers2 venant suivre les cours de français l’été, le recteur François Alengry (1865-1946) décide de construire une cité universitaire sur un terrain offert par la ville de Besançon à Canot, au bord du Doubs. Le financement est apporté par l’université, les conseils généraux des quatre départements comtois, les Amis de l’université et une souscription publique.
René Tournier, élévation de la façade principale de la Cité universitaire de Canot, 1929. Archives départementales du Doubs, 120J50. L. Besançon.
Le projet de René Tournier (1899-1977) remporte le concours d’architecture. Nommé, en juin 1929, architecte des Monuments historiques du Doubs, il s’agit de sa première œuvre à Besançon. Son projet, en forme de V, utilise au mieux l’espace triangulaire du terrain. Toutes les chambres sont placées côté rivière, autour d’une cour très ouverte, afin de bénéficier du magnifique panorama formé par le Doubs, la ville et la citadelle.
Grand sceau de l’université de Besançon, portail principal de la Cité universitaire. Pascal Brunet.
Pour composer les façades construites en béton et en moellons de pierre de Besançon, R. Tournier rend hommage à l’architecture flamande et bourguignonne du XVe siècle, date de la fondation de l’université à Dole. Les pignons latéraux sont à redents et la façade sur la rivière est scandée verticalement par des sortes d’oriels3 et par quatre séries de bay-windows en saillie qui culminent, dans le toit, par quatre autres pignons. Au centre de la composition, le large avant-corps s’achève par un grand toit pyramidal, lui-même surmonté d’une lanterne coiffée d’un petit dôme polygonal. (Figure 1).
Blason de la ville de Dole. Gérard Dhenin.
Blason du Comté de Bourgogne. Gérard Dhenin.
L’hommage au passé médiéval de l’université passe également par la commande d’une série de neuf blasons et d’un grand médaillon réalisés en mosaïques. Les quatre premiers blasons encadrent, deux par deux, la mention CITÉ VNIVERSITAIRE, au-dessus de la grande porte centrale, dont la grille Art déco est ornée du sceau doré de l’université, l’ange et la main de Dieu offrant le livre du savoir, accompagné de branches de chêne et de laurier entrecroisés et entouré de la mention UNIVERSITAS BISONTINA 1691. (Figure 2). Ce sont les blasons de Dole (Figure 3), du comté de Bourgogne (Figure 4), de Besançon (Figure 5) et de Gray (Figure 6). Ils symbolisent la naissance et l’histoire de l’université comtoise. Le second groupe de quatre blasons décore les pignons du toit. Ce sont les blasons de Vesoul (Figure 7), de Besançon, de Lons-le-Saunier4 (Figure 8) et de Belfort (Figure 9), les chefs-lieux des départements comtois dont les étudiants sont principalement originaires à l’époque.
Blason de la ville de Besançon. Gérard Dhenin.
Blason de la ville de Gray. Gérard Dhenin.
Blason de la ville de Vesoul. Gérard Dhenin.
Blason de la ville de Lons-le-Saunier. Gérard Dhenin.
Blason de la ville de Belfort. Gérard Dhenin.
Un dernier grand blason, celui du comté de Bourgogne, figure sur le pignon est, dans le toit. Le médaillon, quant à lui, est une transcription en mosaïques polychromes du grand sceau médiéval de l’université de Dole5 (Figure 10). Il orne, à gauche de la façade principale, le vestibule extérieur de la bibliothèque. Des jardinières fleuries6 égaient la loggia, les bay-windows et les fenêtres. La couverture est faite de « tuiles plates vieillies ».
Grand sceau de l’université de Dole. Gérard Dhenin.
À l’origine, le sous-sol de la cité a été conçu pour accueillir un « garage de motocyclettes et de vélos », ainsi que l’espace des livraisons, l’économat, la buanderie, la lingerie, l’office du personnel, la chaufferie et le « dépôt des bagages ». S’y trouvent alors également les services du restaurant : verrerie, couverts, vaisselle, « chacun avec ses plonges et ses machines à laver », cuisine avec table chaude et table froide, légumier, etc7.
Le rez-de-chaussée8 accueille, à l’achèvement de la cité, la loge du concierge et le bureau du gérant, un hall donnant sur le grand escalier, l’ascenseur et le monte-charge. D’autres vestibules desservent, d’une part une « salle d’éducation physique, avec vestiaire et douches » et, d’autre part, l’aile entre cour et jardin, aménagée en grande salle de restaurant, « pouvant également servir de salle des fêtes ». Cette aile se termine en retour sur le quai, par l’appartement du gérant, l’office, la « caféterie et les petits déjeuners » (Figure 11). Dans l’autre aile se trouvent des chambres d’étudiants et une bibliothèque de 8 500 volumes, qui a aussi un accès direct sur la cour d’honneur.
René Tournier, plan du rez-de-chaussée de la Cité universitaire de Canot, 1929. Archives départementales du Doubs, 120J50. L. Besançon.
René Tournier, plan des étages de la Cité universitaire de Canot, 1929. Archives départementales du Doubs, 120J50. L. Besançon.
À chaque étage9, de grands couloirs, le long de la rue Antide Janvier, à l’ouest, et de l’ancien jardin, au nord, s’ouvrent sur les chambres des étudiants, à un ou deux lits, séparées du couloir par une petite penderie et un lavabo. Au total, la cité universitaire compte, à l’origine, 143 lits d’étudiants pour 128 chambres10. Des « water-closets », des salles de bains et des douches sont répartis à chaque étage, ainsi qu’un office de lingerie, desservi par l’escalier de service. Il est alors précisé qu’il y a de l’eau chaude et de l’eau froide à tous les lavabos. Le chauffage central et la ventilation sont assurés par un « système Knapen » (Figure 12). Dans le grand comble du corps central sont au départ installées les chambres pour le personnel, une salle de bains et des toilettes, ainsi qu’un séchoir. La cité universitaire de Canot est inaugurée par Albert Lebrun (1871-1950), président de la République française, et par le Bisontin Jules Jeanneney (1864-1957), président du Sénat, le dimanche 2 juillet 1933 au matin, peu avant l’institut de chronométrie de l’école nationale d’horlogerie (Figure 13) (Figure 14). Avec la cité universitaire internationale de Paris, elle est l’une des plus anciennes de France. À ce jour, administrée par le Crous Bourgogne Franche-Comté, la résidence universitaire remplit toujours les mêmes fonctions et accueille notamment les étudiants internationaux.
Inauguration de la Cité universitaire par le président Albert Lebrun, Jules Jeanneney et François Alengry, le 2 juillet 1933. Bibliothèque municipale de Besançon, 3K2, doc. 7.
Médaillons d’inauguration de la Cité universitaire de Canot, 1933. Archives départementales du Doubs, 68J1. L. Besançon.
