Anselme de Marenches, premier professeur de droit à l’université et décédé en 1499, donna naissance à une illustre descendance de juristes, administrateurs et mayeurs de la ville de Dole. Son arrière-petit-fils Anselme III n’est pas le plus connu d’entre eux. Mentionné professeur ordinaire à l’université en 1581, il est également lieutenant général au bailliage, ce qui lui assure des revenus confortables. Il épouse Jeanne de Ferrières, descendante de seigneurs comtois.
Dans son testament rédigé en 1587, Anselme fait part de son souhait d’être inhumé en la chapelle Saint-Paul de la Collégiale de Dole récemment achevée. Sans enfants, il laisse ses biens à sa sœur Guillemette, religieuse, et aux filles de son cousin germain, François de Marenches, conseiller au parlement de Dole et conseiller–juge pour le roi Philippe II en la cité impériale de Besançon. Mais ses livres, un incunable vénitien de 1478, et vingt-quatre volumes publiés au XVIe siècle, font l’objet d’un legs spécifique à la bibliothèque du collège des Jésuites de Dole1.
En plus des professeurs étrangers au prestige reconnu, le corps professoral de la faculté de droit civil compte cinq régents ou lecteurs ordinaires, dont Anselme faisait partie, ils commentent les ouvrages de référence, les Institutes, le Digeste et le Code de Justinien. Aucun de ces manuels de droit ne figure parmi les vingt-cinq livres conservés, qui témoignent au contraire du goût d’Anselme III de Marenches pour les lettres classiques, la théologie, et les sciences médicales. Son ex-libris manuscrit, d’une écriture fine et nerveuse, assorti parfois d’une date (celle de l’achat ?) et parfois de la devise familiale « Rien trop » en témoigne. Au fil des pages, ses maximes latines, ses références et annotations, attestent de sa belle érudition philologique et littéraire. Ainsi, il corrige dans ses marges un dictionnaire de grec, imprimé à Bâle en 1522, d’après une édition postérieure de 1548. De même l’édition de l’Odyssée d’Homère publiée à Rome en 1510, présente ses nombreuses corrections stylistiques et scientifiques.
Anselme possède une Bible, imprimée en 1564, des œuvres d’apologistes chrétiens et de Pères de l’Église, Cyprien, Lactance, Origène, Jérôme, Irénée de Lyon, dans des éditions savantes d’Érasme provenant des grands centres typographiques européens. Il détient un exemplaire rare de l’Histoire évangélique de Juvencus, poète chrétien du IVe siècle. La littérature classique, mise à l’honneur par Guillaume Budé et Robert Estienne, est présente dans sa bibliothèque érudite par Les Histoires d’Hérodote, les Fables d’Ésope en édition bilingue grecque et latine, l’Art poétique d’Horace imprimé par Plantin à Anvers, ou encore par des éditions de Sénèque, de Juvénal. Avec une mention spéciale pour les Nuits attiques d’Aulu Gelle, édition bâloise de 1519, dotée d’une page de titre à encadrement gravé sur bois dans le plus pur style de la Renaissance. Les Aphorismes d’Hippocrate, Les Secrets des femmes d’Albert Le Grand et d’autres traités médicaux dont celui de Muhammad Razès, amènent à s’interroger sur le profil universitaire d’Anselme III. Ses intérêts livresques correspondent davantage à la culture d’un docteur en arts et en médecine (les deux disciplines étant souvent associées) plutôt qu’à celle d’un juriste. Sa bibliothèque est bien celle d’un véritable humaniste !