Si Henri Sainte-Claire Deville est mondialement connu pour ses travaux sur l’aluminium, peu savent que c’est à Besançon qu’il a démarré sa carrière académique. Pourtant, c’est bien au sein de la nouvelle faculté des Sciences[1] que ce génial expérimentateur réalisa, de 1845 à 1851, les travaux qui lui valurent la considération de ses pairs… et son rappel à Paris, tant il était inconcevable qu’un tel génie restât plus longtemps en province.
Né aux Antilles en 1818, H. Sainte-Claire Deville entreprend des études de médecine à Paris en 1835. Mais, passionné par les cours de chimie qu’il suit en parallèle à la Sorbonne, il monte son propre laboratoire dans un grenier et conduit diverses expériences sur l’essence de térébenthine, dont les résultats sont présentés à l’Académie des sciences, en 1839, alors qu’il n’a que 21 ans ! Docteur ès-sciences physiques en 1840, il soutient, la même année, sa thèse de médecine et obtient également une licence de mathématiques.
Buste en aluminium d’Henri Sainte-Claire Deville (1818-1881), réalisé en 1882 d’après une œuvre du sculpteur Gabriel-Jules Tomas (1824-1905). Les travaux d‘H. Sainte-Claire Deville inspirent Jules Verne pour le chapitre 7 de son roman “De la terre à la lune”. Il imagine un obus creux, léger et résistant, qui pourrait être tiré par un canon directement sur la lune. « Vous savez qu’un illustre chimiste français, Henri Sainte-Claire Deville, est parvenu, en 1854, à obtenir l’aluminium en masse compacte. Or, ce précieux métal a la blancheur de l’argent, l’inaltérabilité de l’or, la ténacité du fer, la fusibilité du cuivre et la légèreté du verre; il se travaille facilement, il est extrêmement répandu dans la nature, puisque l’alumine forme la base de la plupart des roches, il est trois fois plus léger que le fer, et il semble avoir été créé tout exprès pour nous fournir la matière de notre projectile ! ». Paris, Musée des Arts et Métiers, Inv. 45386. Denis Pruvrel.
Remarqué par Louis Jacques Thénard[2], Henri Sainte-Claire Deville est nommé à la chaire de chimie et au décanat de la nouvelle faculté des sciences de Besançon en 1845. À peine installé, il est chargé par la Ville de Besançon d’une analyse des eaux du Doubs. Ces travaux l’éloignent de ses propres centres d’intérêt mais il ne peut les refuser, tant la municipalité a investi d’argent pour soutenir l’enseignement des sciences à Besançon. Henri Sainte-Claire Deville y met toute son ingéniosité. Non seulement, il répond à la question posée par la Ville de Besançon, mais également à celle plus générale de la composition des eaux potables, dont il déduit le rôle fertilisant pour les prairies. Les résultats de ce travail fastidieux sont d’abord présentés à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, puis à l’Académie des sciences en 1847.
Le second travail réalisé à Besançon, concerne la synthèse de l’anhydride de l’acide nitrique que certains chimistes de grande renommée disaient pourtant impossible à obtenir. Jean-Baptiste Dumas[3], écrira à propos de cette découverte «Aussi, la belle expérience par laquelle Henri Deville mettait en évidence l’existence de l’acide nitrique anhydre, exécutée en quelques jours, eut-elle une tout autre influence sur la science et sur sa propre carrière que la longue étude du Doubs »[4]. Il ajoutera : « Il me semble encore entendre les applaudissements par lesquels l’intelligent et sympathique auditoire de la Sorbonne saluait, à la fois le récipient tapissé de beaux cristaux d’acide nitrique anhydre que je mettais sous ses yeux en 1849, et le jeune doyen de la Faculté de Besançon qui lui offrait la primeur de ce produit nouveau. ».
Ce résultat fait grand bruit et vaut à Sainte-Claire Deville d’être nommé, en 1851, à l’École normale supérieure. Son laboratoire devient très vite le centre d’une chimie minérale expérimentale de renommée internationale. Henri Sainte-Claire Deville meurt à Paris, en 1881, victime des vapeurs toxiques inhalées tout au long de ses études sur les métaux.