Il va de soi qu’au Moyen Âge et à l’époque moderne on ne trouve pas de références féminines dans les textes. Cependant trois femmes, avec une influence différente, si elles n’ont pas été enseignantes ni étudiantes, ont joué marquant le destin de l’université de Dole.
Mahaut d’Artois (1268-1329), Jeanne de Bourgogne (v. 1291-1330) et Marguerite d’Autriche (1480-1530)
Jacky Theurot
Si le comte de Bourgogne Othon IV (1248-1303) n’a pas donné suite à l’autorisation du pape de créer une université à Gray, sa fille Jeanne (v. 1291-1330), dans son testament de 1330, émet le vœu que soit créé un collège de Bourgogne à Paris, organisé par la suite1. Son intérêt pour les études est sans doute dû à l’éducation reçue dans l’entourage familial – sa mère, Mahaut d’Artois (1268-1329), étant connue pour ces mêmes dispositions.
Jeanne, comtesse de Bourgogne (v. 1291 – 1330), femme du roi de France Philippe le Long. Ce dessin à la plume colorié reproduit l’image agenouillée de Jeanne, comtesse de Bourgogne, d’après un vitrail des Cordeliers de Salins aujourd’hui disparu. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. Chiflet 1, f°111.
Mais, durant cette période, c’est incontestablement Marguerite d’Autriche, fille de Maximilien et de Marie de Bourgogne, chargée de la Comté entre 1509 et 1530, qui s’intéresse de très près au devenir de l’université de Dole. Son rôle “politique” et sa proximité avec les puissants de l’époque, en particulier avec les membres de son conseil et les représentants de la ville de Dole, attirent son attention sur le sujet. La vie de l’université est alors confrontée à divers problèmes, dont le comportement des maîtres, une moindre fréquentation…, ainsi qu’il est constaté dans les délibérations municipales, dès le début du XVIe siècle. C’est ainsi qu’en 1517 elle adresse un mandement aux membres du parlement (dont quatre sont requis pour agir à ce sujet), à ceux du corps de ville et à ceux du corps universitaire. Le recteur Perdriset recopie ce mandement dans la matricule de son année et appose, dans ce même registre, sa réponse ferme à ces critiques. L’effet de cette décision n’est pas connu.
Marguerite d’Autriche, comtesse de Bourgogne (1480-1530). Ce portrait de Marguerite d’Autriche est le détail du vitrail principal du chœur de l’église abbatiale de Brou où elle repose. Ces vitraux ont été réalisés entre 1525 et 1532. CMN – Monastère royal de Brou.
Isabelle-Claire-Eugénie (1566-1633)
Maryse Graner
Une autre femme d’influence marque le destin de l’université de Dole : il s’agit d’Isabelle-Claire-Eugénie (1566-1633), duchesse de Bourgogne, archiduchesse d’Autriche et infante d’Espagne. Fille de Philippe II d’Espagne et d’Élisabeth de France (fille d’Henri II et de Catherine de Médicis), l’infante épouse tardivement en 1598, à l’âge de 33 ans, son cousin l’archiduc Albert d’Autriche qui quitte alors ses habits de cardinal.
Isabelle-Claire-Eugénie (1566-1633), duchesse de Bourgogne, archiduchesse d’Autriche et infante d’Espagne, par Hieronymus Wierix (1553-1619). Musée du Louvre, RMN-Grand Palais. , collection Rothschild. 2807 LR.Thierry Le Mage.
Son père la dote des « Flandres » (les provinces méridionales des Pays-Bas) et de la Franche-Comté. Ensemble, Albert et Isabelle corègnent pendant plus de vingt ans. Cette femme forte, intelligente et stratège, extrêmement bienveillante envers les Pays-Bas et la Franche-Comté, s’efforce de se faire aimer de ses sujets. Si Albert est la figure du couple qui assume publiquement le gouvernement, Isabelle assure un rôle politique de premier plan2. Dotée d’une belle nature démonstrative, elle privilégie l’épanouissement des sciences, notamment la chimie, la physique et l’histoire, mais aussi des arts. Les souverains s’entourent d’artistes comme Rubens – dont le neveu Philippe étudie en 1632 à l’université de Dole, où il est licencié in utroque jure 3–, ainsi que d’autres tels Jordaens, Jean Brueghel…, auprès de leur cour installée à Bruxelles[3].
En 1616-1617, les archiducs Albert et Isabelle rédigent un nouveau règlement pour l’université de Dole et fixent les détails d’attribution des chaires de cette université, qui reviennent « au plus digne » après un concours solennel4.
La grande cause soutenue continuellement dans sa vie par Isabelle reste la lutte contre le calvinisme et la défense du catholicisme qui devient un des éléments essentiels de sa politique. Sa piété intense et sa ferveur religieuse sont décrites par le Bisontin Philippe Chifflet, chapelain de l’archiduchesse. Indépendamment de toute activité publique, elle calque un rythme de vie strictement fondé sur la prière, lié à une dévotion intense5.
En 1621, Albert décède. Sans héritier mâle, les Pays-Bas reviennent à leur neveu, le roi d’Espagne Philippe IV (1605-1665). Veuve et sans enfant, bien que beaucoup aimeraient qu’elle retrouve son statut de princesse, Isabelle endosse les fonctions de gouvernante générale des Pays-Bas espagnols et de la Franche-Comté jusqu’en 1633. Elle devient la quatrième femme à occuper ce poste6 et assure – fait exceptionnel – le commandement de son armée. Dès le lendemain de la mort d’Albert, Isabelle choisit de renoncer aux tenues et bijoux d’apparat, se coupe les cheveux et devient, en octobre 1621, membre du Tiers-Ordre de Saint-François7. Elle en revêt l’habit, puis prononce ses vœux définitifs en 1622. La veuve Isabelle délaisse le pouvoir au cardinal de La Cueva et au marquis de Santa Cruz, le premier aux affaires civiles et religieuses, le second aux affaires militaires. Après sa mort, Philippe Chifflet (1597-1657) s’empresse de rassembler des témoignages sur ses vertus : entre 1634 et 1635, sans doute, dans le but d’obtenir sa béatification.