Charles Quint et l’université de Dole

Jacky Theurot

À Gand, le 8 mai 1531, sont publiées des lettres patentes émanant de la chancellerie de Charles Quint concernant l’université de Dole. Cet acte est établi en présence, en particulier, de Jean II Carondelet, archevêque de Palerme, président du conseil privé de l’Empereur et de Nicolas Perrenot, chevalier de Granvelle, premier maître des requêtes. Ce document, qui porte le grand sceau de l’Empereur, est une réponse de l’Empereur sur certains points des statuts de l’université qui lui ont été soumis. Le texte rappelle que l’université a été fondée par son « tres chier ayeul monseigneur le bon duc Philippe », qui l’a pourvue de « plusieurs beaulx et notables privilleges et statuz ».

Lettres patentes de Charles Quint du 8 mai 1531. Archives départementales du Doubs, 1D1. L. Besançon.

Charles Quint aborde divers points. D’abord, il confirme que le recteur, issu parfois d’autres territoires que celui de ses pays, élu pour un an, est « le chief et principal administrateur », grande charge qui est « de peu de prouffit ». De plus, il a « juridiction sur tous les escolliers et suppotz de ladite université en toutes causes tant criminelles que civilles », sauf en cas de peine de sang où il intervient avec le bailli, conservateur temporel. L’Empereur insiste sur le fait que cette autorité rectorale ne saurait être mise en cause par les autres officiers et justiciers. À propos de l’accession aux « degrez » de « maîtrise, bachelerie, licence » dans les facultés des arts, médecine, droit et théologie, il rappelle qu’une certaine durée est fixée pour les obtenir et qu’il revient, selon les statuts, au collège élu d’y veiller, leur respect étant la clé de la renommée de l’établissement. Il souligne cependant les « grans fraiz » que cela occasionne pour les étudiants, au point que certains délaissent l’obtention des grades, s’en vont et gagnent les universités de France et d’outre-monts, au détriment de l’université de Dole. C’est pourquoi il invite le collège à se soucier du montant des « fraiz ». Il ajoute que, pour l’accès aux honneurs et aux fonctions dans les pays de Bourgogne et de Charolais, la primauté doit être accordée aux étudiants gradués à Dole, en particulier par l’obtention d’une prébende[1] pour un docteur en théologie ou décret, ou à un maître ès arts. Il indique que la convocation du collège peut venir d’un licencié non-dolois ou du plus ancien docteur régent ordinaire. Il réaffirme la règle des statuts selon laquelle l’inventaire des biens d’un suppôt décédé sans testament relève de l’université, et est valable pour tous les suppôts, de quelque lieu qu’ils soient. À propos du bedeau général fort chargé en besogne, l’empereur signale qu’il ne percevait jusque-là que dix deniers tournois versés par chaque « escolier étudiant en droit », à Noël et le jour de la nativité de Saint Jean-Baptiste, ce qui est peu.

Portrait à la plume de Charles Quint. Dessiné à la plume, ce magnifique portrait-buste de l’empereur date de 1561. Il figure au début d’un livre précieux offert par l’auteur, Jean Voerthusius, chanoine d’Utrecht qui mourut en 1565, à Antoine de Granvelle, bibliophile raffiné. Cet ouvrage s’intitule « Phoenicis sive Consecrationis augustae libri septem, ad divum Philippum, Hispaniarum, Neapolis, Siciliae et caet. regem, Joanne Voerthusio autore ». C’est un panégyrique, en sept livres, de Charles-Quint qui est assimilé à Charlemagne. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. 1158, f°5 v°.

Sur l’avis des gens de son Conseil, Charles Quint réaffirme ici aussi les statuts donnés par Philippe le Bon concernant les causes criminelles sur lesquelles statuent le bailli et le recteur. Pour les actes qui ne seraient pas « scolastiques », il rappelle que c’est le recteur avec la cour du parlement qui jugeront. Pour les autres affaires, ce sera le recteur seul. Quant à la « dispense du temps et lecture des gradués », cette décision doit relever du collège. Il en va de même pour la « dispense et modération des fraiz d’étude », sans que cela nuise à la réputation de l’université. L’empereur souligne que ce sont les gradués de l’université de Dole qui, dans ses territoires, auront la préférence pour les offices et bénéfices, et qu’une seule prébende1 sera attachée à l’église collégiale de Dole, qui relève de son droit de patronage. Il précise qu’en l’absence du recteur ou du vice-recteur, c’est le plus ancien docteur ordinaire qui pourra convoquer le collège.

De même, pour des biens des suppôts décédés sans testament, le corps de ville pourra l’établir s’il s’agit d’un Dolois. Pour les autres, ce seront les justiciers et officiers ordinaires, pouvant être assistés du procureur général de l’université, ou un député du collège. Le salaire du bedeau général est réévalué : tout étudiant des grandes facultés pourra se voir exiger quatre sols tournois, soit un sol à chaque décrétale qui se lit à l’université le jour de la Nativité du Christ, et un sol à chacune des autres décrétales lues. Quant aux écoliers de la faculté des arts, le bedeau pourra exiger chaque année deux sols pour les quatre décrétales. Enfin Charles rappelle à ses président, gens de la cour du parlement, baillis des différents ressorts, y compris de Charolais, aux maires et échevins de Dole et à tous les autres officiers, de laisser le recteur, les docteurs, régents, officiers, écoliers et autres suppôts de l’université « joyr et user » de leurs privilèges et de respecter les statuts de celle-ci.

Notes :
1 – Part de biens prélevée sur les revenus d’une église et attribuée à un clerc pour sa subsistance et en compensation du ministère accompli.
ARTICLES SIMILAIRES :
error: Contenu protégé.