Félix Gaffiot (1870-1937)

Benjamin Goldlust

Éminent latiniste, Félix Gaffiot fut, peut-être plus encore, un grand professeur de latin, tant il consacra sa vie à l’enseignement. Né à Liesle (Doubs), dans la vallée de la Loue, d’un père instituteur et d’une mère secrétaire de mairie, il fait ses classes au lycée de Pontarlier.

Photographie de Félix Gaffiot (1870-1937) en toge de professeur d’université. Collection privée, famille Gaffiot.

Doué en sciences comme en lettres, au point d’envisager de se présenter au concours de l’École polytechnique, il prépare finalement une licence de lettres dans le but d’enseigner. Après une première affectation à Pont-à-Mousson, il réside pendant une douzaine d’années dans le Massif central et enseigne successivement au Puy-en-Velay et à Clermont-Ferrand. Il obtient alors l’agrégation des lettres, puis soutient, en 1906, une thèse consacrée à l’apprentissage du latin. Ensuite élu maître de conférences à la Sorbonne, sans chaire, il publie une Méthode de langue latine pour la traduction des textes (1910). Il reste dix-sept années dans cette université, interrompues par la mobilisation en 1914.

En 1923, la librairie Hachette confie à Félix Gaffiot le soin de rédiger un dictionnaire latin-français qui soit l’équivalent du dictionnaire grec-français d’Anatole Bailly et qui réponde à la fois aux besoins pédagogiques et aux exigences scientifiques. Sur les instances de René Durand (1864-1962), son ancien professeur devenu son ami, lui-même resté dans les mémoires comme un pédagogue exceptionnel, il finit par accepter ce défi. Le « Gaffiot », travail de bénédictin mené pendant plus de dix ans, puisque la première édition paraît en 1934, embrasse toute la latinité, même si ce que l’auteur appelle le « latin de la décadence » n’a pas reçu les mêmes soins que « la latinité au sens vrai du terme, c’est-à-dire celle qui s’étend de Plaute à Tacite » (préface de 1934). Aujourd’hui encore, le Gaffiot reste un instrument de travail irremplaçable, tant en version qu’en thème. Une nouvelle édition baptisée le « Grand Gaffiot », revue et augmentée (notamment pour le latin tardif), paraît en 2000 sous la direction de Pierre Flobert.

En 1927, en délicatesse avec ses collègues parisiens, Gaffiot est écarté d’une chaire à la Sorbonne, mais est élu peu après à Besançon. Il vit avec délice son retour en Franche-Comté, s’y fait rapidement apprécier de ses étudiants comme de ses collègues qui le choisissent comme doyen de la faculté des lettres en 1933, puis en 1936, un an avant sa retraite qui intervint en 1937. Félix Gaffiot est assurément une grande figure bisontine de l’entre-deux-guerres. Il est aussi connu pour son élégance, dont témoigne sa barbiche en pointe sous ses moustaches de mousquetaire, et pour son goût de l’effort physique, cultivé au jardin et en forêt. Affable, Gaffiot aime à recevoir et tout particulièrement à servir à ses amis les merveilleux flacons tirés de sa prodigieuse cave, qu’il appele avec humour sa « bibliothèque » et qui compte plus de six mille bouteilles. Le 2 novembre 1937, soit moins d’un mois après son départ en retraite, Félix Gaffiot meurt prématurément à Besançon, des suites d’un accident de voiture survenu près de Mouchard. Il laisse, à Besançon et au-delà, le souvenir d’un humaniste, professeur exigeant formé à la rigueur des textes, doublé d’un homme simple, au meilleur sens du terme, amoureux de la vie et de ses joies.

Vente aux enchères des vins de la cave de Félix Gaffiot à Liesle, le dimanche 8 mai 1938. Collection particulière.

Dégustation et vente des vins mis en bouteilles par Félix Gaffiot, les 7 et 8 mai 1938. Collection particulière.

Notes :
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