De 1424 à 1691, date de son transfert définitif à Besançon à l’issue des sièges qui ont vaincu Dole et l’ont introduit, comme toute la Franche-Comté, dans le « pré carré » français, l’université connaît maints aléas. D’abord, dès 1425, le prince doit réagir face aux concurrences, sinon de Louvain, du moins de lobbies flamands, puis, dans les années 1450, de la pression de Besançon. Philippe le Bon n’hésite pas à confirmer le siège de « sa fille-l’université » à Dole. La mort du Téméraire amène Louis XI à transférer l’université – mais sans l’installer réellement – à Besançon, puis à Poligny. Enfin, Charles VIII la rétablit en mars 1484.
Les nombreuses vicissitudes de la vie de l’université – fonctionnement défaillant, légèreté de certains enseignants, variation de ses effectifs étudiants, problèmes financiers – conduisent les membres du conseil de ville de Dole – mayeurs, échevins et conseillers, dont certains pourtant y ont été étudiants – à porter dès 1500 à plusieurs reprises des doléances auprès des distributeurs, du bailli et du parlement, voire des princes, bien plus qu’auprès de l’archevêque. Cependant, le graphique représentant les immatriculés et gradués de l’université de 1498 à 1525 ne traduit pas forcément cette désaffection dénoncée.
D’autres évènements peuvent freiner le fonctionnement de l’université. Même si le XVIe siècle – sous Maximilien et Charles Quint – connaît une vie politique et militaire plutôt paisible, le récit municipal respire cependant, en 1498, une crainte latente. Déjà, lors des années 1451-1454, la mauvaise météorologie (pluies, grêle), aggravée par la présence de maladies, gêne le fonctionnement du parlement et celui de l’université. De nombreuses et fortes alertes de « pestilences » rôdant autour de la ville sont évoquées dans les délibérations municipales. Le recteur Chafoy quitte Dole en temps de peste et, en 1526, la rue Mont-Roland est barrée. Au cours du XVIIe siècle, ces peurs et ces phénomènes sont encore bien plus perceptibles et réels.
1529, année de misère, voit même la ville emprunter de l’argent à l’université pour fournir du pain aux pauvres. Ce contexte social affecte la mobilité des étudiants et des maîtres. À la fin du XVIe siècle, les chevauchées d’Henri IV alertent, gênant la circulation sur les routes d’accès à la capitale comtoise. Les trois grands sièges, dont celui, fameux, de 1636, auquel est associée une terrible peste, amorce de la guerre de Dix ans, et ceux de 1668 et 1674 – qu’évoquent les toiles célèbres de Nicolas Labbé et de Martin des Batailles – sont à la fois destructeurs et perturbateurs : ils altèrent le fonctionnement de l’université au temps des Habsbourg d’Autriche, et d’Espagne plus encore.
De plus, l’installation des Jésuites à Dole en 1582 – fait majeur – change la donne1. Lorsqu’ils reprennent le collège de grammaire, ils lui insufflent un dynamisme en partie perdu, sans remettre en cause l’enseignement fondamental. Mais c’est bien la pédagogie des Jésuites, leur force intellectuelle en pleine amorce de la Réforme catholique, qui font qu’au début du XVIIe siècle déjà, ils attirent plusieurs centaines d’élèves-étudiants. Leurs études accomplies chez eux, ceux-ci passaient ensuite, pour obtenir leurs grades, sous les fourches caudines de l’université, qui disposait en effet de maîtres encore actifs. Pour preuve, l’Album de la Nation belge atteste la forte présence des Flamands à Dole de 1651 à 1674. L’université de Dole, d’esprit médiéval et classique, avec ses méthodes traditionnelles, face également à l’offensive idéologique de la Réforme, est en difficulté. Lucien Febvre indique bien la « chasse » faite aux livres calvinistes et luthériens dans toute la Franche-Comté2 .
Depuis 1668 au moins, comme le souligne Maurice Gresset3, les tractations pour déplacer l’université à Besançon sont engagées. La stratégie royale consistant à affirmer la centralité du royaume et à recentrer chaque principauté autour d’une ville principale siège d’intendance va également dans le sens de la volonté géopolitique de Louis XIV. Besançon, la plus grande ville de la principauté comtoise, a perdu sa fonction majeure, tout en restant le centre du diocèse. Si Dole, dès les ducs Valois, a capté les attributs d’une capitale – dont les sièges du parlement et de l’université –, la dynamique française va renverser le cours de l’histoire au profit de Besançon. C’est ainsi qu’il faut comprendre la fin de l’université doloise.