Charles Du Moulin (1500-1566)

Hugues Daussy

Issu d’une vieille famille de juristes parisiens anoblie à la fin du XIVe siècle, fils d’un avocat au parlement, Charles Du Moulin étudie le droit aux universités d’Orléans et de Poitiers. De retour à Paris, il s’inscrit ensuite au barreau et exerce au Châtelet, puis au parlement. Il manque toutefois de prestance et d’éloquence pour y briller. De petite taille, il est d’apparence chétive et surtout affligé d’un bégaiement qui sied mal aux plaidoiries. En 1539, il publie son premier ouvrage.

Charles Dumoulin (1500-1566), jurisconsulte, 1556. RMN-Grand Palais / image château de Versailles.

Fortement imprégné d’humanisme érasmien, il lit les ouvrages des réformateurs allemands et s’avoue fortement marqué par les thèses de Philip Melanchthon, qu’il considère comme son père spirituel. Il bascule ainsi vers la Réforme en 1540 et son adhésion à la nouvelle religion transparait dans ses écrits dès 1542. Son engagement lui attire de nombreuses inimitiés à la cour, mais c’est son célèbre Commentaire de l’édit des petites dates, publié en 1550, qui fait éclater son adhésion au grand jour et le propulse au cœur de l’actualité. Il y développe les principes essentiels de l’ecclésiologie luthérienne et prône le schisme avec Rome par la création d’une église nationale gallicane fondée sur le modèle anglican. Poursuivi par la Sorbonne, il est censuré et, craignant pour sa vie, il se réfugie en juillet 1552 à Bâle, où il est chaleureusement accueilli.

Commence alors une itinérance de cinq ans. Il passe par Genève, où il rencontre Calvin. Séduit, il se fait un temps propagandiste de sa doctrine, puis cherche à obtenir une charge de professeur de droit, sollicitant l’appui des princes protestants allemands. C’est finalement à Tübingen, grâce au soutien du duc Christophe de Wurtemberg, qu’il enseigne à partir de décembre 1553. Versatile et colérique, il déploie un tel prosélytisme pro calviniste dans cet État luthérien qu’il doit finalement partir en octobre 1554. En quête d’une nouvelle chaire, il accumule les échecs avant de saisir une opportunité inattendue.

En novembre 1555, venu à Dole en compagnie du comte Georges de Wurtemberg afin de s’occuper de ses procès en cours, il en profite pour donner des leçons solennelles devant le parlement, le corps de ville et l’université. Il est alors engagé pour trois mois comme professeur, ce qui suscite la colère du comte désireux de le conserver à son service. Pour l’empêcher de se rendre à Dole, Georges le fait même emprisonner, avant de le libérer en mai 1556 en échange d’une promesse de fidélité. Du Moulin ne s’en enfuit pas moins et commence à enseigner à l’université de Dole. Son passage est bref et mouvementé. En territoire espagnol, son engagement théologique au profit de la Réforme est fort mal vu, si bien que les autorités politiques franc-comtoises l’estiment indésirable. En dépit du soutien des habitants et des magistrats de Dole, qui souhaitent le conserver à l’université en raison de sa renommée, une lettre de Philippe II ordonne son expulsion le 12 octobre 1556, invoquant « sa doctrine non trop convenable à l’institution des jeunes gens ». Le 13 décembre, sa maison est investie par un capitaine espagnol et il doit partir à regret.

De retour à Paris, où le temps a quelque peu fait oublier ses écarts, il se détache progressivement du calvinisme, avec lequel il rompt bruyamment au cours de la première guerre de religion, revenant alors vers le luthéranisme. La publication d’un écrit contre le concile de Trente lui vaut la prison en 1564. Libéré, il se lance dans une lutte échevelée contre le calvinisme et se rapproche du catholicisme auquel il revient peut-être peu avant sa mort. Irascible et exalté, il est emporté par une crise d’asthme le 27 décembre 1566.

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