Des années 1880 au milieu du xxe siècle, les associations étudiantes ont été bien plus visibles dans l’espace public qu’elles ne le sont aujourd’hui, grâce à la possession ou à la location d’immeubles et de maisons pavoisés à leur nom. C’est le cas de l’Association générale des étudiants de Besançon (AGEB) qui, si elle a régulièrement changé de siège, est toujours restée aux alentours des bâtiments universitaires. Elle loge d’abord place de l’État-major (aujourd’hui place Jean Cornet). Elle y reste jusqu’en 1901, puis déménage promenade Granvelle, dans le pavillon du Helder, bâtiment néoclassique construit en 1789. Dans les années 1930, son local se situe au 4-6, rue Lacoré, puis, dans les années 1960, à la cité universitaire (aujourd’hui Canot), ouverte en 1932, où elle dispose d’un bar. Vers 1968, les locaux de l’association deviennent propriété du CROUS.
Pavillon du Hedler, siège de l’AGEB, ancien pavillon néoclassique de limonadier construit en 1789 par Alexandre Bertrand, Promenade Granvelle. Bibliothèque municipale de Besançon, CP-B-P41.
L’associationnisme étudiant français naît à la faveur des réformes universitaires entreprises par les républicains et prend d’abord la forme des Associations générales des étudiants1. Rapidement soutenues moralement et financièrement par le régime républicain et les autorités académiques, elles ambitionnent de regrouper l’ensemble des étudiants d’une ville universitaire, toutes facultés et écoles confondues. Une quinzaine d’associations existent à la fin de la décennie 1880, dont l’AGEB. Constituée en 1888, elle est reconnue d’utilité publique en 1930.
Plan d’appropriation des locaux de l’AGEB, 12 novembre 1936. Bibliothèque municipale de Besançon, 4M7.
Ne pouvant recruter que parmi le faible nombre d’étudiants bisontins, l’AGEB reste de taille modeste. Cela ne l’empêche pas de développer des offres pour les étudiants et de s’impliquer dans la vie locale. Elle est très engagée, en 1892 et en 1902, dans les fêtes en hommage à Louis Pasteur à Dole. Elle prend l’initiative de la célébration du centenaire de Victor Hugo en août 1902. L’AGEB organise des fêtes, concerts et conférences. Vers 1930, elle dispose dans son local d’une bibliothèque forte de 1 500 volumes. Ses membres bénéficient de réductions au théâtre municipal, dans d’autres salles de spectacle, dans les cinémas et auprès de commerçants. Dans les années 1920, elle tient un restaurant coopératif dans son local du 4-6, rue Mairet, permettant à ses adhérents de se restaurer à un prix raisonnable, grâce à des subventions, entre autres, du conseil général du Doubs. L’AGEB publie plusieurs journaux, à la durabilité variable : Besançon universitaire à partir de 1936, Besançon estudiantin au milieu des années 1950, Besançon U la décennie suivante.
En 1909, l’AGEB adhère à l’Union nationale des associations d’étudiants de France (UNAEF), fondée en 1907. Elle y reste marginale et n’obtient aucun élu à son comité avant la Première Guerre mondiale. Après la transformation, en 1946, de l’UNAEF en un syndicat, l’UNEF, les AGE en restent les sections locales, ce qui a des effets politiques notables. Sous l’Occupation, le président de l’AGEB Pierre Armand (1920-1950) est hostile à Pétain et se félicite que jamais un portrait du maréchal n’ait été accroché dans le local de l’association. Après une action de chahut menée par Armand, le recteur Jean Jacques (dit Achille) Bertrand (1884-1960) interdit l’AGEB, reconstituée seulement vers 1948. Cette action dénote dans un milieu universitaire et étudiant bisontin passif et peu résistant2.
Dix ans plus tard, au contraire, l’AGEB, dirigée majoritairement par des étudiants catholiques principalement inscrits en lettres et en sciences, fait figure, avec l’AGE de Lyon, de meneuse de l’anticolonialisme au sein de l’UNEF. En 1956, la « question algérienne » est au cœur de l’élection pour la direction de l’AGEB et c’est la liste menée par Gaston Bordet (né en 1933), étudiant en histoire, favorable au processus de décolonisation, qui sort victorieuse. Cette ligne politique demeure à la tête de l’AGEB jusqu’à l’indépendance de l’Algérie3. Malgré le renouvellement des effectifs, la politisation estudiantine reste forte à Besançon jusqu’à mai 1968, lorsque les étudiants multiplient les manifestations et occupent la faculté des lettres.