René Tournier, un architecte majeur pour l’université de Franche-Comté

Peu connu du grand public bisontin et comtois, René Tournier (1899-1977) est l’architecte d’une série de constructions emblématiques de la capitale comtoise, des années 1930 à la fin des années 1960. On lui doit notamment la construction de l’institution Saint-Joseph, avenue Fontaine Argent (1937-1939) et de la chapelle Notre-Dame de la Libération (1945-1952) à la chapelle des Buis, l’aménagement du fort Griffon pour l’accueil dans ses murs de l’école normale d’institutrices (1947), la conception et la construction des haras de la rue Pergaud (1949-1952) et de l’église Saint-Joseph, avenue Villarceau (1944-1954). Créateur de la magnifique cité universitaire Canot inaugurée en 19331, R. Tournier est devenu architecte de l’université en 1944, transformant et construisant de nombreux éléments de son patrimoine.

L’architecte est régulièrement sollicité pour des aménagements du site universitaire rue Mégevand2. Dès 1947, il aménage les locaux de la faculté des sciences, construits un siècle auparavant par Alphonse Delacroix. Afin d’étendre les surfaces consacrées aux mathématiques et à la chimie, il propose des surélévations en 1951-19523. Figure 1 L’achat d’une parcelle de terrain à la Banque de France voisine permet, entre 1951 et 1955, de concevoir, puis de construire l’institut de chimie4 et l’amphithéâtre Donzelot. Figure 2 Le grand architecte et designer Jean Prouvé (1901-1984) conçoit et réalise les sièges d’origine de l’amphithéâtre5, en 1953. Figure 3 Pour le décor de la façade, une première esquisse montre l’envie initiale de R. Tournier de mettre en valeur, selon son habitude, les blasons de la Franche-Comté et des quatre principales villes comtoises, mais il choisit finalement de retenir une version monumentale en béton du sceau médiéval de l’université. L’extension vers l’ouest fait également entrer les vestiges d’une domus gallo-romaine6 dans le patrimoine de l’université. En 1953-1954, R. Tournier dessine[7] et réalise la structure permettant de mettre en valeur ces vestiges ainsi qu’une salle de présentation des collections archéologiques au rez-de-chaussée. Entre 1958 et 1962, à la suite de l’acquisition par l’État des hôtels aristocratiques des 18 et 20 de la rue Chifflet8, l’architecte travaille à les adapter à leur nouvel usage universitaire9.

Il consacre également les années 1947-1959 à la modernisation de la bibliothèque de l’université10. Afin d’aménager de nouveaux magasins destinés à conserver les ouvrages de plus en plus nombreux. R.  Tournier commence par transformer les combles de la grande aile du xviiie siècle qui longent le jardin afin d’y intégrer, entre 1949 et 1950, 6,5 km de rayonnage sur deux étages. Puis il fait déposer la charpente de l’aile de 1896 donnant sur la rue Mégevand. Rebâti « à la Mansart » et en béton, le nouvel espace ouvre la mise en place de 7,5 km de rayonnages complémentaires, sur deux étages, ainsi que des bureaux et une salle de manutention. Figure 4 L’institut des sciences naturelles est construit place Leclerc de 1952 à 1955, près du nouveau jardin botanique11, Figure 5 et abrite désormais les collections d’histoire naturelle. Cet espace muséal libéré permet l’installation de nouvelles pièces pour la bibliothèque, inaugurées en 1959 : bureau de prêt, salle des catalogues, vastes salles de lecture et de bureaux.

De 1958 à 1961, l’école normale d’instituteurs, actuel INSPÉ, sort de terre avenue de Montjoux12. Puis, entre 1963 et 1967, R. Tournier conçoit et supervise la construction de la bibliothèque de sciences13 sur le campus de la Bouloie tout en travaillant au côté de Georges Jouven14, architecte du schéma architectural du nouveau campus.

Certains de ses projets ne réalisent pas. En 1943, il dessine un stade universitaire comportant un gymnase vers l’entrée de la Gare d’eau15. Il conçoit successivement deux projets d’implantation de l’école nationale de médecine et de pharmacie16. En 1944, un projet comprend le déménagement de la faculté des sciences vers la cité universitaire Canot puis, en 1960, un second projet prévoit une construction vers le pont Canot et l’hôpital Saint-Jacques. En 1960 et 1961, il signe de nombreux plans de transformation de la saline royale d’Arc-et-Senans pour y installer le Centre de linguistique appliquée17. Figure 6. Sur un plan de 1961, R. Tournier imagine l’achat et l’aménagement de l’hôtel Pusel de Boursières, au 14 de la rue Chifflet, pour la mise en place de la propédeutique18. Enfin, cinq autres plans de 1968 dessinent l’installation du collège universitaire de droit au 2, rue Granvelle et au premier étage de l’aile du Kursaal19.

Officier de la Légion d’honneur, R. Tournier décède le 31 décembre 1977 à Besançon, ville où le Rennais20 est installé depuis 47 ans.


Notes :
[1] Voir la notice de Pascal Brunet, « La cité universitaire Canot ». [1] Proche de son bureau et de son domicile, puisqu’il vit et travaille au no 38 de la rue Mégevand. [1] AD Doubs, 120J56. [1] Actuellement aile D. [1] Ces sièges sont restés en place jusqu’aux transformations de 1994. Désormais dispersés, ils sont présentés dans diverses galeries à travers le monde ainsi qu’au musée des beaux-arts de Nancy. [1] Voir la notice de Sophie Montel et Benjamin Clément, « La maison romaine de la faculté des lettres, un patrimoine archéologique en devenir ». [1] AD Doubs, 120J56. [1] Voir la notice d’André Ferrer, « Les immeubles universitaires de la rue Chifflet : Hôtels Courbouzon-Villefrancon et Courbouzon-Chardonnet ». [1] AD Doubs, 120J57. [1] Les bibliothécaires sont alors Maurice Piquard (1906-1983), jusqu’en 1950, puis Jacques Mironneau (1921-2014), de 1951 à 1973. [1] AD Doubs, 120J60-61-62. [1] AD  Doubs, 120J47-48. [1] AD Doubs, 120J63. Actuelle bibliothèque universitaire sciences sport Claude Oytana, puis learning centre Claude Oytana à partir de 2024. [1] Voir la notice de Maryse Graner, « La création d’un campus universitaire à la Bouloie ». [1] AD Doubs, 120J64. [1] AD Doubs, 120J65. [1] AD Doubs, 120J66. Lire Pascal Brunet, « Une tentative de réalisation de la cité idéale de Claude Nicolas Ledoux : le projet de centre universitaire de linguistique de René Tournier dans la saline royale d’Arc-et-Senans (1960-1961) », in Les arts réunis, études offertes à Daniel Rabreau, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 2016, p. 43-53. [1] AD Doubs, 120J66. [1] Idem. [1] Sa famille paternelle est jurassienne. Bibliographie Pascal Brunet, Une tentative de réalisation de la cité idéale de Claude Nicolas Ledoux : le projet de centre universitaire de linguistique de René Tournier dans la saline royale d’Arc-et-Senans (1960-1961), in Les arts réunis, études offertes à Daniel Rabreau, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 2016, p. 43-53. Bibliographie
  • René Tournier, « Agrandissement des facultés rue Mégevand, façade sur cour d’honneur », octobre 1951, rectifié en décembre 1952.
Archives départementales du Doubs, 120J56. Laure Besançon. 2.René Tournier, détail de l’aile de l’Institut de chimie rue Mégevand, 1955. Gérard Dhenin. 3.Jean Prouvé, fauteuils de l’amphithéâtre Donzelot de l’université de Franche-Comté, 1953. Nancy, musée des beaux-arts, Inv. 2010.2.1. Thomas Clot. 4.Michel Meusy (1908-2011), photo des travaux de reconstruction du comble du 32 rue Mégevand pour l’installation de magasins de la Bibliothèque universitaire, vers 1956. Archives départementales du Doubs, 120J37. Emmanuel Laurent. 5.René Tournier, plan du rez-de-chaussée de l’Institut des sciences naturelles, place Leclerc, novembre 1950.  
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