Portrait équestre de Louis XIV attribué à René-Antoine Houasse (v. 1645-1710), d’après Charles Le Brun

Matthieu Lett

Ce portrait équestre de Louis XIV constitue l’effigie la plus diffusée du vivant de Louis XIV, après le portrait de Rigaud en grand manteau royal, exécuté à la fin du règne1. L’original, aujourd’hui conservé à Versailles2, a été peint par René-Antoine Houasse, garde ordinaire des tableaux du roi, qui fait une brillante carrière officielle jusqu’à devenir directeur de l’académie de France à Rome.

Portrait équestre de Louis XIV par René-Antoine Houasse. Paris (v. 1688 ?). Huile sur toile, H. 260 cm ; L. 229 cm, Besançon, université de Franche-Comté, hôtel de Courbouzon. Université de Franche-Comté, UFR SLHS. Gérard Dhenin.

Pour élaborer la composition, l’artiste a sans doute employé un dessin en petit du premier peintre du roi, Charles Le Brun, avant de le mettre en grand grâce à un carton qui a pu être identifié dans les collections du département des arts graphiques du Louvre3. L’inventaire général du mobilier de la couronne mentionne, au numéro 430, un « tableau fait par le sieur Houasse, représentant le roy à cheval en justaucorps de broderie » qui correspond tout à fait à ce portrait, pour lequel le peintre a obtenu des paiements de la part de la couronne4. Les numéros suivants décrivent six autres versions de cette œuvre, précisant à chaque fois qu’elles ont été faites « par le sieur Houasse, dessein de monsieur Le Brun »5. Ces portraits sont destinés à être offerts par le roi à des particuliers ou à des princes étrangers par l’intermédiaire d’ambassadeurs, mais aussi à être envoyés dans les villes conquises.

De très belle facture et sans doute exécuté sous la supervision directe de René-Antoine Houasse, le tableau des collections de l’université de Franche-Comté présenté dans l’hôtel de Courbouzon correspond probablement au « grand tableau représentant Louis XIV à cheval avec un cadre ancien quarré et doré incrusté dans la boiserie que les experts ont estimé unanimement cinquante livres », mentionné dans l’inventaire après décès de Claude-Antoine de Courbouzon établi le 16 janvier 17556. L’œuvre a pu être commandée par les Courbouzon pour marquer leur fidélité à Louis XIV, auquel leur famille doit beaucoup7, ou bien être offerte par le roi lui-même. Le monarque est représenté de trois quarts dans un somptueux habit de cour, tel qu’il peut être vu à Versailles. Le cheval blanc, vu de profil, effectue une levade, l’une des figures équestres les plus difficiles, traditionnellement employée dans le portrait princier pour exprimer les capacités du souverain à dominer ses sujets. Si cette iconographie est tout à fait répandue, la position de la canne dans le prolongement de la tête du cheval est singulière. Elle évoque la licorne, animal mythique associé, dans l’imaginaire contemporain, à la monarchie française. Ainsi, la main de justice utilisée pendant le sacre et conservée dans le trésor de Saint-Denis avait la réputation d’être faite en corne de licorne8. L’arrière-plan représente une bataille, mais sans rapport avec un site ou un événement historique précis. L’intention est sans doute d’évoquer le roi de guerre, en laissant au spectateur la possibilité d’actualiser la réception de l’œuvre au fil du règne et dans un temps plus long.


Notes :
1 – Voir Matthieu Lett, René-Antoine Houasse (ca. 1645-1710). Peindre pour Louis XIV, Paris, Arthena, 2020, p. 85-87 et p. 239 ; Yohann Rimaud (dir.), Le Beau Siècle. La vie artistique à Besançon de la conquête à la Révolution (1674-1792), Paris / Besançon, Éditions courtes et longues / Musée des beaux-arts et d’archéologie, 2022, cat. 44, p. 132-133. 2 – Musée de Versailles, Inv. MV 2109 (Portrait équestre de Louis XIV attribué à René-Antoine Houasse, v. 1674). 3 – Musée du Louvre, département des arts graphiques, INV 29913. 4 – Jules Guiffrey, Comptes des Bâtiments du roi sous le règne de Louis XIV, Paris, Imprimerie nationale, 1881-1901, t. I, col. 803, t. II, col. 287, t. III, col. 721 ; BnF, Mélanges Colbert 302, f° 339 verso. 5 – Jules Guiffrey, Inventaire général du mobilier de la Couronne sous Louis XIV (1663-1715), Paris, Rouam, 1885-1886, t. 2, p. 22. 6 – Arch. dép. du Doubs, 7 E 2681. 7 – À ce sujet, voir André Ferrer, « Claude Antoine Bocquet de Courbouzon (1682-1762). Un aigle qui s’approchait de la sphère du soleil », Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, n° 59, 2017, p. 185-210. 8 – Michel Félibien, Histoire de l’abbaye royale de Saint-Denys en France…, Paris, Frédéric Léonard, 1706, p. 543. Bibliographie
  • André Ferrer, « Claude Antoine Bocquet de Courbouzon (1682-1762). Un aigle qui s’approchait de la sphère du soleil », Mémoires de la Société d’émulation du Doubs, n° 59, 2017, p. 185-210.
  • Yohann Rimaud (dir.), Le Beau Siècle. La vie artistique à Besançon de la conquête à la Révolution (1674-1792), Paris / Besançon, Éditions courtes et longues / Musée des beaux-arts et d’archéologie, 2022
 
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