Les anciens sceaux de l’université

Thomas Flum

Depuis le Moyen Âge, les universités authentifient leurs documents officiels avec des sceaux. Pour l’université de Franche-Comté, les plus anciens exemplaires connus remontent à l’époque de l’institution mère, l’université de Dole, fondée en 1423 par Philippe le Bon duc-comte de Bourgogne. Il s’agit d’abord du grand sceau de l’université de Dole, d’un diamètre de 55 millimètres, dont René Gandilhon donne une description dans sa Sigillographie des universités de France (fig. 1 et 2) : « Dans une niche gothique, la Vierge assise, de face, voilée, nimbée, tenant sur son bras gauche l’Enfant Jésus nimbé. Dans deux niches latérales, à gauche, évêque debout, mitré, crossé (saint Nicolas) ; à droite sainte Catherine debout, couronnée, avec sa roue. Au-dessous de la niche principale, écu semé de billettes au lion (Bourgogne-Comté)1. » Ce choix iconographique ne surprend pas, saint Nicolas de Myre et sainte Catherine d’Alexandrie apparaissent régulièrement sur les sceaux universitaires : l’un en tant que patron des écoliers puisqu’il a ressuscité trois d’entre eux assassinés par un tavernier avare ; l’autre en tant que patronne à la fois des écoliers, des professeurs, des théologiens, des philosophes, ainsi que des universités en général, du fait qu’elle disputait avec les philosophes appelés par l’empereur, avant de subir son martyre2. L’inscription se lit : S(igillum) magnu(m) alme universitatis studii dolani, « Le grand sceau de la vénérable université de Dole3 ». 

Fig. 1 : Sceau de l’université de Dole attaché à un diplôme de 1691. Archives municipales Médiathèque de Dole. Maxime Ferroli.

Fig. 2 : Sceau de l’université de Dole sur la façade de l’amphithéâtre Donzelot du site Mégevand, René Tournier architecte, 1957.

Au grand sceau appartient le contre-sceau, appelé aussi le Petit sceau de l’université de Dole, d’un diamètre de 23 millimètres, qui porte l’inscription : S(igillum) secretum philosophie, le « Sceau secret de la philosophie » (fig. 3). Un sceau secret sert à l’authentification d’un grand sceau et a été appliqué au revers de celui-ci. L’image est difficile à interpréter. Gandilhon propose un « buste de femme de face, issant d’un soleil à sept rayons » sans donner de justification4. Ne s’agit-il pas plutôt de la philosophie entourée des sept arts libéraux, à l’instar du Hortus deliciarum de Herrade de Hohenbourg ? Dans ce manuscrit du XIIe siècle, connu seulement par une copie du XIXe, sept ruisseaux émanent de la philosophie centrale pour nourrir les artes5. Par analogie, au contre-sceau de Dole, il faudrait peut-être reconnaître des ruisseaux. 

Fig. 3 : Contre-sceau de l’université de Dole attaché à un diplôme de 1691. Archives municipales Médiathèque de Dole. Maxime Ferroli.

Nous ne savons pas si les deux sceaux furent créés au moment de la fondation de l’université de Dole, mais leur style et l’iconographie permettent d’y croire. Le plus ancien document qui porte les deux sceaux est conservé aux archives de l’État en Belgique et date de 16686. En revanche, l’exemplaire le plus lisible, découvert récemment, se trouve attaché à un diplôme non coté des archives municipales de Dole7. Le diplôme date de septembre 1691, quelques semaines avant le transfert de l’université de Dole à Besançon. Ici, sainte Catherine est clairement identifiable par le demi-cercle de la roue de son martyre, la palme qu’elle porte dans sa main droite et les traces de sa couronne. 

Le troisième sceau est postérieur à 1691 puisque l’inscription parle de l’Universitas Bisuntina. Le sceau, d’un diamètre de 20 ou 22 millimètres, montre une main droite tenant un livre fermé (fig. 4, 5 et 6). Les exemplaires conservés datent du XIIIe siècle, mais l’iconographie est plus ancienne et se retrouve aussi sur d’autres sceaux universitaires comme à Bourges et Caen, ou sur les sceaux des facultés de droit de Nancy et de Pont-à-Mousson (avec des livres ouverts)8. Le blason seul, avec la main de Dieu qui apporte le savoir sous forme d’un livre fermé,  était déjà en usage à l’université de Dole au XVIe siècle, puisqu’il apparaît parmi les enluminures des annales des recteurs en 1523, 1524 et 1525, ainsi que sur le diplôme de 1691 mentionné plus haut9

Fig. 5 : Détail du sceau à la main de Dieu figurant sur le frontispice de l’année 1523. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. 982, f° 168.

Fig. 5 : Détail du sceau à la main de Dieu figurant sur le frontispice de l’année 1581. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. 984, f° 125.

Fig. 6 : Détail du sceau à la main de Dieu gravé sur un document de 1746. Archives départementales du Doubs, 1C413. L. Besançon.

Notes :
  • 1. René Gandilhon 1952, p. 66, no 57. Aucune étude récente ne fait le point sur les sceaux de l’université de Franche-Comté. Les informations publiées étant souvent contradictoires, cette notice fait office de bilan critique. 
  • 2. René Gandilhon 1952, p. 37. Jacky Theurot (1992, p. 31 et 2020, p. 97) reconnaît un « bailli » au lieu de sainte Catherine sur le Grand sceau de Dole, mais sans expliquer cette iconographie singulière. De même, Rousset 1854, p. 231, identifie saint Pierre au lieu de sainte Catherine, sans justifier son choix. Cette identification, sûrement erronée, est probablement à l’origine de la version peinte du Grand sceau sur le mur du restaurant de la cité universitaire, site Canot (v. 1932), où saint Pierre remplace sainte Catherine : la palme de la sainte s’est transformée en clé de saint Pierre, la roue de son martyre en pli demi-circulaire de l’apôtre. 
  • 3. Traduction Benjamin Goldlust. 
  • 4. René Gandilhon 1952, p. 66, n°  57. L’interprétation de Gauthier 1900, p. 9, qui propose un « Apollon émergeant d’un demi-soleil », ne convainc pas, de même que le « soleil rayonnant » chez Rousset 1854, p. 231. 
  • 5. A. Straub/G. Keller, Herrade de Landsberg. Hortus Deliciarum, Strasbourg, 1879-1899, pl. XI bis, fol. 32r du manuscrit. 
  • 6. Inventaire de la collection de moulages de sceaux des Archives générales du Royaume : I 347, nos 30045 et 30046. 
  • 7. Je remercie Maxime Ferroli, ArchivisteDépartement des Patrimoines écritsMédiathèque du Grand Dole et Archives municipales de Dole de m’avoir signalé son existence. 
  • 8. Gandilhon 1952, p. 53, no 25 (Besançon), n° 29-31 (Bourges), n° 45 (Caen), n° 82 (Nancy), n° 142 (Pont-à-Mousson). L’exemplaire n° 25 est conservé au Service des collections patrimoniales documentaires de l’université de Montpellier (sur un document de 1782, cote R 19). Malheureusement, le sceau est caché sous un papier de protection qui s’est collé à la cire. 
  • 9. Annales rectorum et matricula Universitatis Dolanae, ab anno 1498ad annum1525, Besançon, Bibliothèque municipale, Ms982, fol. 168 (171), 176 (179) et 188 (191). 
Images et légendes 
  • Fig. 1 Le Grand sceau de l’université de Dole, diplôme du 23 septembre 1691 (non coté), Dole, archives municipales. 
  • Fig. 2 Le Grand sceau de l’université de Dole, interprétation moderne sur la façade de l’amphithéâtre Donzelot à la faculté des lettres. 
  • Fig. 3 Le Petit sceau de l’université de Dole, diplôme du 23 septembre 1691 (non coté), Dole, archives municipales. 
  • Fig. 4 Le sceau de l’université de Besançon, diplôme du 1er mai 1782, univ. de Montpellier, coll. patrimoniales documentaires, R 19. 
  Bibliographie 
  • Rousset A., 1854, Notice historique et statistique sur la ville de Dole, Besançon, Bintot. 
  • Gandilhon R., 1952, Sigillographie des universités de France, Paris, Delmas. 
  • Gauthier J., Guiraud J., 1900, L’Université de Besançon : des origines à la Révolution, Gray (1287), Dole (1422), Besançon (1691). De la Révolution à nos jours. Organisation actuelle, Besançon, Dodivers. 
  • Theurot J., 1992, « L’université de Dole de sa fondation à son transfert à Besançon », Gresset M., Lassus F. (éd.), Institutions et vie universitaires dans l’Europe d’hier et d’aujourd’hui. Actes du colloque de l’Association interuniversitaire de l’Est, Besançon, 27-28 septembre 1991, Paris, Les Belles Lettres, p. 25-44. 
  • Theurot J., 2020, « Le pouvoir et le savoir. L’université de Dole, une université pour les terres de Bourgogne, des années 1420 à 1479 », Annales de Bourgogne, 92, p. 85123. 
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