La fonction de distributeur à l’université de Besançon : l’exemple de Courbouzon

André Ferrer

À Besançon, les distributeurs, en fonction dès 1483 à l’université de Dole, occupent une place particulièrement importante, qui n’a d’équivalent dans aucune autre université française. Choisis par le souverain parmi les membres du parlement (ou également, au début du XVIIIe siècle, du présidial de Besançon), nommés à vie, ils jouent un rôle de premier plan, apparaissant comme les représentants du pouvoir gouvernemental dans l’université. Ils étaient d’abord chargés de contrôler la gestion des revenus de l’université et la répartition de ceux-ci entre professeurs et administrateurs.

Affiche des distributeurs de l’université de Besançon, 19 novembre 1746. Cette affiche, rédigée en latin, et datée du 19 novembre 1746, est signée par trois distributeurs de l’université de Besançon : Antoine François d’Arvisenet d’Auxon (1667-1753), Claude Antoine Boquet de Courbouzon (1682-1762) et François Xavier Belin (1692-1773). Pascal Brunet. Archives départementales du Doubs, 1C 413. L. Besançon.

Leur fonction s’est vite étendue à toute l’activité universitaire, notamment à la surveillance de l’assiduité des enseignants, mais aussi à leur suppléance et à leur recrutement. Les distributeurs contrôlent les documents des candidats, les extraits baptistères, les certificats de bonne vie et mœurs, les lettres de docteur. Avec deux docteurs, les trois distributeurs constituent le jury des concours de recrutement puis, à partir de 1747, siègent avec six docteurs. Alors, n’ayant plus la majorité à eux seuls, les distributeurs semblent perdre leur rôle décisif, mais ils dressent seuls le procès-verbal des concours, destiné au roi. Ils en reçoivent les provisions et procèdent à l’installation des nouveaux professeurs.

Catalogue des distributeurs de l’université de Dole et de Besançon à partir de 1530. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. 978.

Les distributeurs peuvent aussi assister aux thèses et donner leur avis. S’ils sont assez peu présents aux assemblées de l’université, ils y ont cependant leur place réservée. Les distributeurs touchent des indemnités relativement modestes pour leurs prestations : ils perçoivent en tout une centaine de livres par an, ce qui semble peu par rapport au travail effectué, mais ne représente qu’une faible part de leurs revenus. Bien qu’honorifique, cette fonction, gage de la confiance royale, est convoitée par les parlementaires.

Portrait de Claude Antoine Boquet de Courbouzon (1682-1762), président au parlement du Comté de Bourgogne, distributeur de l’université de Besançon, vers 1754. C’est en 1754, Claude Antoine Boquet de Courbouzon, conseiller au parlement de Besançon depuis 1704 devient président à mortier. Ce portrait, qui le présente dans sa robe de pourpre et d’hermine, est sans doute proche de sa prise de fonctions dans cette nouvelle charge. Sur la table, devant lui, posé sur des papiers, un petit plateau ovale en argent réunit son nécessaire d’écriture en argent composé d’un encrier et d’un flacon de sable destiné à sécher l’encre. Pascal Brunet. Hôpital Saint-Jacques de Besançon.

Claude Antoine Bocquet de Courbouzon (1682-1762) est nommé distributeur suppléant par brevet royal du 15 mars 1727. Il doit attendre le décès de Pierre Ignace Gillebert, premier distributeur de l’université et président honoraire au présidial, pour être désigné distributeur en titre, le 30 mars 1740. Dès lors, il joue un rôle très actif dans le recrutement des professeurs. D’une famille de Lons-le-Saunier passée au service de Louis XIV dès la conquête de 1674, Claude Antoine Bocquet de Courbouzon fait des études à Paris, au collège des « Quatre Nations » ou au collège Mazarin. Comme son père, il devient conseiller au parlement de Besançon à son retour de Paris, en 1704, et reste en fonction pendant 58 ans. Attaché au maintien des spécificités comtoises et dans le même temps proche du pouvoir central, Courbouzon est un habile intermédiaire entre le parlement bisontin et le gouvernement de Versailles. Respecté par tous, il sait négocier les questions sensibles.

Mention de Claude-Antoine Boquet, distributeur. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. 977.

Il rédige de nombreux mémoires destinés aux ministres ou aux élites comtoises sur les questions religieuses, fiscales, politiques, diplomatiques et économiques. Les services rendus au gouvernement lui valent une pension royale, une présidence à mortier au parlement et, en 1740, le titre de baron de Courbouzon. Il est aussi nommé inspecteur général des mines du comté de Bourgogne et commissaire chargé de l’application de la législation forestière française en Comté. Passionné par l’histoire et l’économie de la Franche-Comté, il joue un rôle majeur, en 1752, dans la fondation de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon. Il y est nommé secrétaire perpétuel de 1752 à sa mort. Cet érudit a laissé à la postérité une multitude de manuscrits très documentés. Courbouzon se fait construire, entre 1732 et 1735, un superbe hôtel particulier rue du Perron. Acheté par l’État, ce bâtiment de la rue Chifflet intègre la faculté des lettres en 1958.

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