Jean II Carondelet (1469-1544), homme d’Église et de pouvoir

Nicolas Boffy

Jean et Ferry Carondelet n’ont pas laissé de traces égales dans les mémoires. Jean est encore aujourd’hui essentiellement connu des historiens belges, pour avoir été chef du conseil privé des Pays-Bas, et des historiens de l’art, grâce aux nombreux portraits de lui dont il passe commande aux meilleurs peintres néerlandais de son temps. Au contraire, son frère puiné Ferry est surtout resté célèbre en Franche-Comté grâce au retable qu’il commande à Fra Bartolomeo et aux travaux qu’il mène à l’abbaye de Montbenoît1.

Portrait de Jean II Carondelet (1469-1544), par Jan Gossaert dit Mabuse (1478-1532), 1517. Autour du cadre est peinte l’inscription suivante : “Representacion de messire Jehan Carondelet hault doyen de Besançon en son age de 48 A [ans]”. Paris, Musée du Louvre, Jean-Gilles Berizzi.

Jean II Carondelet est le second fils de Jean Ier Carondelet et de Marguerite de Chassey. Poussé par son père, il se dirige vers des études de droit canonique et romain, tout comme son frère Ferry. Les premières listes d’étudiants de l’université de Dole ne remontant qu’à 1498, il n’est pas possible de prouver qu’il a étudié dans cet établissement2. D’après ses propres dires, il fréquente le collège du Lys à Louvain, une des quatre pédagogies où les étudiants prennent leurs premières leçons3. En mai 1493, lorsqu’il est nommé doyen de Besançon, il n’est encore que maître, mais il est déjà prêtre. Dans une université non identifiée, il obtient ses doctorats, à coup sûr avant 1494, date à laquelle il entre comme conseiller à l’éphémère parlement de Dole4.

En 1493, il devient doyen du chapitre cathédral de Besançon. Dès 1497, Philippe le Beau l’institue maître des requêtes ordinaires au grand conseil, établi près de sa personne. En 1504, lorsque le prince fixe le grand conseil à Malines, il lui attribue la charge de troisième conseiller ecclésiastique. En 1508, Jean abandonne cette charge pour passer au conseil privé. En 1517, il accompagne Charles Quint en Espagne, puis revient avec lui en 1520. La faveur de l’empereur lui permet alors d’être désigné archevêque de Palerme et primat de Sicile puis, en 1520, prévôt du chapitre Saint-Donatien de Bruges.

Il continue de siéger au conseil privé avant d’en devenir le chef dès 1522. En 1531, un an après la mort de Marguerite d’Autriche, Charles Quint réorganise les conseils collatéraux et replace Jean Carondelet à la tête du nouveau conseil privé et, ipso facto, du conseil d’État. Il devient alors l’un des membres-clefs du gouvernement des Pays-Bas. Il démissionne en 1540, malade et très âgé.

Comme son frère Ferry, Jean II s’illustre également comme un mécène majeur du XVIe siècle. Son nom reste notamment attaché au Diptyque de Jean Carondelet peint par Jan Gossart en 15175. Parmi ses commandes comtoises, « l’ornement Carondelet » est conservé dans le trésor de la cathédrale Saint-Jean. Il commande par testament un ensemble de stalles pour chacune des églises Saint-Étienne et Saint-Jean de Besançon. Ces dernières sont détruites à la Révolution, tandis que celles de Saint-Étienne sont en grande partie conservées depuis 1692 à Saint-Pierre de Luxeuil. Jean commande aussi le tombeau de son frère Ferry pour Saint-Étienne de Besançon, et de ses parents à la collégiale de Dole6. Même s’il a échangé des lettres avec Érasme de Rotterdam, il ne paraît pas en avoir été l’ami ou le protecteur, comme l’ont affirmé plusieurs de ses biographes7.


Notes :
1 – Étude de leur mécénat dans Nicolas Boffy, « La commande artistique des frères Jean et Ferry Carondelet, prélats de la Renaissance », thèse de doctorat en histoire (Daniela Gallo dir.), Université de Lorraine, 2022. 2- BM Besançon, ms. 982. 3 – Henry De Vocht, History of the Foundation and the Rise of the Collegium Trilingue Lovaniense, 1517-1550, Louvain, Bibliothèque de l’université, t. 1, The Foundation, 1951, p. 458, note 6. André Le Glay, « Les Carondelet », Archives littéraires et historiques du Nord de la France et du Midi de la Belgique, no 3, 1833, p. 341, le signale également comme étudiant à Louvain. 4 – Alida Kerckhoffs-De Heij, « De Grote Raad en zijn functionarissen, 1477-1531. Biografeen van raadsheren », thèse de doctorat en histoire (J. Th. de Smidt dir.), Université d’Amsterdam, 1980, vol. 2, p. 41 (AD Nord, B 2148, fol. 83v-84r). 5 – Musée du Louvre. 6 – Tombeaux sculptés par Pieter Buyens, originaire du Brabant (Nicolas Boffy, « Le tombeau de Ferry Carondelet à Besançon : un albâtre jurassien pour un sculpteur brabançon », dans Matthieu Fantoni [dir.], Restauration de la Pietà de Conrad Meit à la cathédrale de Besançon, Gand, Snoeck, 2023, p. 90-95). 6 – Voir les conclusions dans Nicolas Boffy, La commande artistique…, op. cit., vol. 2, p. 19-21.
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