Jean Ier Carondelet (v. 1428-1501), un ancien étudiant dolois au service du prince

Si le nom de Carondelet est aujourd’hui celui d’une rue de la ville de Dole, il témoigne avant tout de la réputation d’une des plus riches et influentes familles comtoises, qui parvint à s’élever au service du duc-comte de Bourgogne, une noble lignée comptant des générations de descendants. Nombre d’étudiants ayant fréquenté l’université de Dole ont servi les princes au temps des ducs-comtes de Bourgogne et des Habsbourg : Jean Ier Carondelet est de ceux-là.

Portrait de Jean 1er Carondelet (v. 1428-1501). “Johannes Carondeletus praes. Burgund. 1479” : buste profil droit de Jean Ier Carondelet, d’après une médaille en bronze de 1479. Bibliothèque municipale de Besançon, Yc-Portrait-Carondelet 2.

Né vers 1428, il est le fils de Jean Carondelet le Jeune, bourgeois de Dole et tabellion (notaire) servant déjà l’administration bourguignonne, et de Jehannete Basan. Jean Ier accède à l’université, où il suit des études de droit. Dès 1451, le duc Philippe le Bon le retient comme conseiller. Devenu docteur en droit, il côtoie Gérard Vurry (?-1473) dans diverses affaires notamment lors de la rédaction des Coutumes du comté, publiées le 24 décembre 1459. En 1461, il est nommé membre du parlement, puis maître des requêtes. En juillet 1466, Jean Ier est bailli de Chaussin et de La Perrière. Dès lors, attaché à la personne du duc de Charolais, il est un conseiller écouté, au même titre que Guillaume Huguonet. Lors de la révolte des Liégeois, il intervient en Flandre et dénoue le conflit, démontrant son esprit de modération et de tacticien. Ainsi que le relate Olivier de la Marche, ses nombreux déplacements et interventions en Flandre, à Paris, en Angleterre, à Besançon, en Alsace, au Luxembourg, à Angers (rencontre avec Louis XI), en Espagne, à Trèves, révèlent un conseiller diplomatique de premier plan.

Portrait de Marguerite de Chassey (décédée en 1511), épouse de Jean Ier Carondelet et mère de ses deux fils Jean II et Ferry. Musée du Temps, Besançon, Inv. 1896.1.361. Pierre Guenat.

Bien que rarement en Comté, il y épouse en 1466 damoiselle Marguerite de Chassey. Les époux possèdent, à Dole, une propriété située rue de Fripapet. En 1473 et en 1474, Jean est échevin de la ville. Ses deux premiers fils, aînés de onze enfants, naissent à Dole, Claude en 1467 et Jean II en 1469.

Il joue un rôle essentiel dans l’organisation du parlement de Malines, qui ouvre en janvier 1474 et dont il est devenu le président en décembre 1473. Alors fait chevalier, il acquiert la seigneurie de Champvans près de Dole. Mais il finit par s’installer à Malines où son fils Ferry naît en 1473. Jean Ier joue un rôle fort actif de négociation avec les villes flamandes pour obtenir des subsides afin de financer la guerre contre les Suisses, jusqu’à la mort du duc près de Nancy, le 5 janvier 1477. À la différence de Guillaume de Rochefort, il reste fidèle à la cause bourguignonne et rejoint Marguerite d’York et Marie de Bourgogne. En 1478, avec Thomas de Plaine (?-1505), il devient proche conseiller de Maximilien de Habsbourg, époux de Marie.

Durant tout ce temps et jusqu’à sa mort, très attaché à sa province et à sa ville, il veille aux destinées des Dolois, qui le lui rendent bien ainsi que l’indiquent les délibérations municipales. Lorsqu’en mai 1479, la chute de Dole devant les troupes françaises de Louis lui fait perdre de nombreux biens et revenus, Maximilien lui octroie un dédommagement de 1 200 livres. À cette époque, Jean Ier rencontre un artiste proche de Marie de Bourgogne, le Napolitain Jean de Candida, que le duc Charles avait chargé de missions (Italie, France, Allemagne). Vers 1479, cet orfèvre-médailleur et humaniste exécute les portraits des époux avec leurs armes au revers des médailles.

Après 1480, Jean Ier Carondelet, préféré à Guillaume de Rochefort, est choisi pour la charge essentielle de chancelier de Bourgogne. Selon les délibérations municipales, il songe pourtant à revenir à Dole dès le traité de Senlis de 1493. Il accompagne Philippe le Beau dans une tournée des villes flamandes et Marguerite de Chassey, son épouse, assiste au mariage de ce dernier, le 20 octobre 1496, en présence de Marguerite de Habsbourg, archiduchesse d’Autriche. Mais sa carrière est à présent sur le déclin. Le 20 décembre 1496, il remet les sceaux de la chancellerie à Philippe le Beau. Tout en restant en Flandre, il gère son patrimoine comtois à distance et fait établir un terrier de ses biens1.

En 1497, il rédige avec son épouse un testament en présence d’Anselme de Marenches, exprimant le souhait de rejoindre dans la mort la collégiale Notre-Dame de Dole, l’ancienne ou la nouvelle encore en projet. Lorsqu’il décède le 21 février 1501, son corps est déposé à Saint-Pierre de Bruges. Selon une délibération municipale du 26 octobre 1501, sa dépouille semble avoir été ramenée à Dole. Les Dolois l’honorent avec un cortège de torches. Son épouse meurt le 25 mai 1511. Vers 1540, leur fils Jean II fait construire un tombeau2 pour ses parents3, au flanc nord du chœur de la collégiale Notre-Dame. Ultérieurement, il en fera également construire un pour son frère Ferry à Besançon4 ainsi qu’un pour lui-même, à Bruges.


Notes :
1 – Il détaille l’état de ses possessions foncières et réalise un inventaire des biens composants son fief, sa seigneurie, sa juridiction : parcelles, limites, noms des domainiers et montants des rentes dues par ces derniers. 2 – Conçu par Pieter Buyens, d’origine brabançonne (Nicolas Boffy, « Le tombeau de Ferry Carondelet à Besançon : un albâtre jurassien pour un sculpteur brabançon », in Matthieu Fantoni [dir.], Restauration de la Pietà de Conrad Meit à la cathédrale de Besançon, Gand, Snoeck, 2023, p. 90-95). La cuve et les gisants ont disparu, il n’en subsiste aujourd’hui que l’arc triomphal orné d’albâtre et d’une pierre marbrière jurassienne, qui sert depuis la fin du XVIIIe siècle de porte d’entrée à la sacristie de Notre-Dame. 3 – Sur Jean Carondelet : Jacky Theurot, Dole, genèse d’une capitale provinciale, des origines à la fin du xve siècle, Dole, Cahiers dolois, 2 t., 1998, 15 p. 470-475, 15bis, p. 981-987 ; Id., « L’université de Dole au service de Bourgogne. L’université, les gens de savoir et le prince (1423-début XVIe siècle) », in Hommes d’Église et pouvoirs à l’époque bourguignonne (XIVe-XVIe s.). Rencontres de Dijon-Dole (sept. 1997) (Jean-Marie Cauchies dir.), Neuchâtel, Publication du Centre européen d’Études bourguignonnes (XIVe-XVIe siècles), no 38, 1998, p. 288-293 ; Id., « Une élite urbaine au service de Bourgogne. Les hommes de loi à Dole du XIVe au début du XVIe siècle », in Les juristes dans la ville : urbanisme, société, économie, politique, mentalités. Rencontres de Wetzlar (sept. 1999), Publication du Centre européen d’Études bourguignonnes (xive-xvie siècles), no 40, 2000, p. 8-32 ; « Dole, capitale du comté de Bourgogne au tournant des xve et xvie siècles, d’après les délibérations municipales (mai 1493-février 1509) », in La Franche-Comté à la charnière du Moyen Âge et de la Renaissance (1540-1550), Besançon, PUFC, 2003, p. 80-83 . Pour le tombeau : Bénédicte Gaulard, « Le mobilier de la collégiale Notre-Dame de Dole (du xvie siècle à nos jours) », maîtrise d’histoire de l’art  (P. Choney dir.), Université de Bourgogne, 1990. 4 – Installé à Saint-Étienne de Besançon et, depuis le xviie siècle, à la cathédrale Saint-Jean. Ce tombeau, comme celui de Dole, a été réalisé par Pieter Buyens.
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