Entre la fin du XIXe siècle et les années 1930, l’université de Besançon compte parmi ses effectifs des étudiantes et étudiants étrangers. En 1909-1910, 44 étrangers sont inscrits, dont 24 Allemands, 7 Autrichiens, 6 Britanniques, respectivement 2 Italiens, Russes et Suisses et un venant du Transvaal, colonie britannique en actuelle Afrique du Sud. En 1936-1937, ils sont 58, 37 hommes et 21 femmes, dont 18 en sciences, 38 en lettres et 2 à la faculté libre de droit. Face à Paris qui attire de loin le public international le plus nombreux, les universités provinciales cherchent à renforcer leur attractivité auprès des étudiants étrangers, par exemple en créant des diplômes spécifiquement conçus pour eux. C’est l’objectif des comités de patronage des étudiants étrangers, constitués dans plusieurs universités à partir des années 1890, que de faciliter la venue et la vie sur place des étudiants étrangers. Ils précèdent en cela l’Office national des universités et écoles françaises, créé en 1910.
Affiche des cours de français pour les étrangers du 1er novembre 1904 au 30 juin 1905. Archives départementales du Doubs, T126. L. Besançon.
Fondé au printemps 1901, le comité bisontin est composé de notabilités locales, venant principalement du monde de l’éducation (université, lycées de garçons et de filles, écoles normales d’instituteurs et d’institutrices, rectorat) ou exerçant une autre profession intellectuelle, juridique ou médicale, mais aussi de quelques commerçants importants. Ses présidents d’honneur et membres de droit varient selon les périodes, mais comptent au moins le préfet du Doubs, le maire de Besançon, le recteur de l’Académie et le doyen de la faculté des lettres.
La première activité du comité en 1901 a été d’organiser des cours de vacances pour étrangers, auxquels participent 29 étudiants et 3 étudiantes, dont 25 d’Allemagne, deux de Suisse et respectivement un d’Argentine, d’Autriche, des États-Unis et de Grande-Bretagne. Deux grands types de cours sont proposés : des cours pratiques sur la langue (grammaire, lecture, prononciation, traduction), la littérature, l’histoire, la géographie et les institutions françaises ; des conférences sur des sujets littéraires, historiques et scientifiques. Un certificat de langue française est délivré par le comité aux étudiants ayant suivi ces cours et réussissant un examen final. Ils peuvent également obtenir un diplôme d’université, le certificat d’études françaises. Des cours spéciaux pendant l’année universitaire sont créés peu après et viennent compléter l’offre aux étrangers. Pour les personnes ne pouvant se rendre à Besançon, ils peuvent être suivis par correspondance. Ces cours permettent également l’obtention des certificats d’études et de langue françaises. Les enseignants sont essentiellement des professeurs d’université ou de lycée, bisontins pour la plupart, mais aussi d’autres villes durant les vacances, ainsi que quelques spécialistes, comme des conservateurs de musée. Ils sont rétribués spécialement pour l’ensemble de ces cours, qui sont payants et dont l’organisation est soutenue financièrement, régulièrement ou ponctuellement, par la municipalité, le conseil général, le ministère de l’Instruction publique et la chambre de commerce de Besançon.
Tenus chaque année de juillet à octobre, les cours de vacances se spécialisent progressivement, avec une division entre niveaux. En 1911, ils sont suivis par 137 étudiants, dont 68 Allemands, 29 ressortissants de l’Empire austro-hongrois, 26 Anglais et 6 Russes, chiffre en baisse par rapport aux années précédentes (ils étaient 156 de onze pays en 1909 et 177 en 1910), ce qui alerte les organisateurs. Néanmoins, dans l’ensemble, les cours de vacances bisontins connaissent un succès certain avant la Première Guerre mondiale, qui les interrompt. Ils reprennent en 1920. Les étudiants allemands sont réadmis en 1926 et sont nombreux durant les années suivantes, avant que leur effectif ne décline dès la fin de la décennie. En 1933-1934, 273 étudiants suivent les cours de vacances et 62 ceux tenus durant l’année universitaire. Ils viennent notamment d’Angleterre, des États-Unis et d’Écosse, mais aussi d’Italie, de Tchécoslovaquie ou des Pays-Bas. Parmi eux, 58 obtiennent le certificat de langue et 29 celui d’études françaises.
Pour favoriser la sociabilité des étrangers venant suivre les cours de vacances, mais aussi démontrer le sens de l’accueil français et la solidarité estudiantine internationale, l’Association générale des étudiants de Besançon (AGEB) leur ouvre les portes de son local sans qu’ils aient besoin d’y adhérer. Le comité de patronage organise également des festivités et excursions pour eux. Il s’adresse de plus dès sa fondation à des familles pour accueillir des étudiants étrangers, suivant les modèles allemand et anglais, et comme cela est déjà pratiqué à Dijon, Grenoble et Nancy. Un questionnaire est fourni à partir de 1904, que les familles intéressées remplissent en indiquant leur adresse, le nombre de chambres offertes et pour quelle durée, le prix (pour la chambre, la table ou la pension complète), si elle est intéressée par des moments de conversation avec l’hôte – afin de l’aider dans son apprentissage du français autant que pour progresser dans des langues étrangères –, si elle préfère un homme ou une femme et une nationalité éventuelle.
Le comité s’efforce de faire connaître ses activités à l’étranger en envoyant programmes et brochures à des établissements d’enseignement supérieurs et à des journaux universitaires de nombreux pays. Ses membres insistent notamment sur la position de Besançon, proche de l’Allemagne (une ligne de chemin de fer relie la ville à Berlin via Francfort-sur-le-Main dans les années 1900), de la Suisse et de l’Italie. Ils établissent également, grâce aux anciens élèves des cours, un réseau de représentants dans les universités et villes étrangères. En 1914, ils sont quinze en Allemagne, quinze en Autriche-Hongrie, quatre en Russie, trois en Écosse, deux en Italie et deux à Londres. Plus généralement, dès les premières années du siècle, les membres du Comité correspondent avec des Belges, des Allemands ou encore des États-Uniens, désireux d’obtenir des informations sur les cours de vacances, de s’inscrire à l’université ou de se rendre à Besançon pour leurs recherches.
À partir de la rentrée 1931, le comité, sans disparaître, est remplacé dans l’organisation des cours pour étrangers par l’institut de langue et de civilisation françaises, rattaché à la faculté des lettres. Cet Institut continue d’organiser les cours pour étrangers après la Seconde Guerre mondiale ; sa direction est reprise par Bernard Quemadas1(1926-2018) à la fin des années 1950, au moment où il fonde le centre de linguistique appliquée (1958), lieu pionnier du développement du français langue étrangère.