Charles Grenier, floriste et républicain

Arnaud Mouly

Charles Grenier (1808-1875) est un scientifique enraciné dans sa Franche-Comté. Cet homme doué, qui obtient son doctorat de médecine en 1836, occupe, dès 1837, un poste de professeur provisoire d’histoire naturelle à l’école secondaire de médecine de Besançon. Il commence sa prolifique carrière avec diverses publications sur la botanique locale. En 1843, nommé titulaire de la chaire d’histoire naturelle de l’école, il prépare son doctorat de sciences naturelles sur la géographie botanique du département du Doubs, qu’il soutient à Strasbourg en 1844. Par chance, la réouverture de la faculté des sciences de Besançon intervient en 1845. Il postule sur la chaire de zoologie et botanique, sans qu’aucun autre ne puisse lui en disputer la légitimité. Malgré la pétition de 1848 contre le cumul des fonctions dans le secteur des sciences, présentée à l’Assemblée nationale, Grenier n’abandonne pas sa chaire de l’école de médecine. Il assure également la direction du jardin botanique et, selon un acte de de la ville1, il reçoit aussi la charge de gérer et d’enrichir le musée d’histoire naturelle pour la faculté.

Portrait charge de Charles Grenier (1808-1875) par Alexandre Bertrand (1814-1878). Le dessin porte une indication : “Mort le 9 9bre [novembre] 1875 à l’âge de [67] ans”. Bibliothèque municipale de Besançon, 13197.

À cette époque, il travaille déjà à l’ouvrage Flore de France, qu’il rédige avec le professeur de Nancy Dominique-Alexandre Godron (1807-1880), entre 1847 et 18562. C’est une œuvre majeure, tant parce que les flores de France ne sont pas courantes alors, mais aussi parce ces recherches nécessitent un travail de synthèse s’appuyant sur de nombreuses publications éparses ainsi que sur des connaissances de terrain colossales. Il publie, ultérieurement, une Flore de la chaîne jurassique3.

Malgré toutes ses qualités et ses capacités, les autorités politiques locales ne lui facilitent pas la tâche, car Ch. Grenier est un républicain convaincu et de caractère. S’il dirige le jardin botanique, il n’obtient que tardivement, en 1872, le terrain et l’autorisation d’installer les collections d’un jardin digne d’une ville comme Besançon, pourtant fortement réclamé par les scientifiques et les académiciens. En attendant, il doit se résoudre à conduire des cultures en “corbeilles” ou en pots dans la cour de l’école de médecine. Par ailleurs, ce n’est qu’en 1869, juste avant le retour à la République, que lui est proposé le décanat de la faculté des sciences, après 25 ans d’exercice comme professeur titulaire, ce qui, pour l’époque, relève de l’exception, tant on était généralement vite sollicité. Cela démontre bien toute l’influence de la politique, en raison de ses idées, sur son exercice professionnel et sur les moyens dont il a bénéficié.

Cette indifférence manifeste de l’administration au déroulement de sa carrière renforce toutefois une caractéristique fondamentale de la personnalité de Ch. Grenier, au bénéfice de la science et de son important herbier. Botaniste vagabond, il n’aime rien tant que les vastes étendues de ses terres natales, jouissant de plus de liberté d’action et de la grande richesse des espaces naturels régionaux.

Notes :
  1. Archives municipales de Besançon.
  2. Charles Grenier et Dominique-Alexandre Godron, Flore de France, ou Description des plantes qui poussent naturellement en France et en Corse, Paris / Besançon, Baillière / De Sainte-Agathe aîné, 1847-1856.
  3. Charles Grenier, Flore de la chaîne jurassique, Paris / Besançon, Savy / Dodivers, 1865.
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