En mars 1810, en vue de l’installation des facultés, le préfet de Bry invite le baron Daclin, maire de Besançon « à faire procéder par expert à la reconnaissance et estimation de la maison, jardin, aisance et dépendances » et « fasse de l’ouverture » à M. de Scey [Pierre Georges de Scey 1771-1847] afin « qu’il cède de suite à la location les bâtiments et le terrain jusqu’à la passation du contrat [de vente] ». Une circulaire du ministère de l’Intérieur précise en effet « qu’en ce qui concerne le placement des académies, les villes doivent fournir et entretenir les bâtiments et faire entièrement disposer à leurs frais les salles nécessaires».
Denis Philibert Lapret (1761-1821), “Plan de la rue St Vincent jusqu’à la rue de Traverse, et de la place devant l’église”, 30 mai 1811. Ce plan de la rue Saint-Vincent (Mégevand) présente les locaux de l’Académie ainsi que le projet d’une “Place en face de la comédie” (le théâtre de Claude Nicolas Ledoux). Bibliothèque municipale de Besançon, 2fi1076.
La propriété visée est l’ancienne abbaye de Saint-Vincent. Devenue propriété nationale, celle-ci avait tout d’abord été transformée en école d’horlogerie à la Révolution avant d’être acquise par M. de Montrond aux créanciers de l’école d’horlogerie puis, en mai 1801, par le marquis de Scey.
Le 1er avril, M. de Scey « promet vendre à la Commune la maison qui lui appartient dans la rue de St Vincent laquelle consiste en deux corps de logis, une cour intérieure, une autre cour et un jardin séparant un autre corps de bâtiment contenant écuries, remises et orangerie avec aisances et dépendances » pour 70 000 francs. La Ville peut en prendre possession le même jour. Les cours sont immédiatement proposés.
Dès le 8 mai 1810, le recteur Jean-Jacques Ordinaire demande au maire « que les bureaux soient de suite organisés et séparés, que des salles d’une étendue convenable soient disposées ». Pour ce faire, il convient qu’un architecte soit désigné afin que soient constatés « l’état actuel du local, ainsi que les restaurations qu’il exige ». L’architecte Claude Antoine Colombot (1747-1821) procède à cette reconnaissance, entre le 2 et le 4 juin 1810. Il constate le manque d’entretien du bien et dresse la liste des nombreux éléments qu’il conviendra de réparer, en particulier un grand nombre de fenêtres dont les vitres sont brisées. L’architecte fait la description précise des appartements du rez-de-chaussée, dont la disposition et les décors néoclassiques témoignent des dernières transformations menées par l’abbaye peu avant la Révolution[1].
L’appartement sur la rue est alors composé d’une « antichambre », d’une « petite salle à manger », d’un « petit cabinet », de deux « chambres à coucher » et d’une « rotonde ». Placée à l’angle du bâtiment entre la rue Saint-Vincent2 et la petite place de l’église Notre-Dame3, cette rotonde au parquet de chêne est éclairée par deux fenêtres à « grands carreaux de verre de Bohême », peintes « couleur d’acajou », et dotée d’un exceptionnel décor néoclassique, dont on garde la trace tout au long du XIXe siècle au moins jusqu’en 1882. Le décor en tholos était composé de quatre paires de « colonnes en bois, cannelées avec leurs bases, chapiteaux et entablement » qui encadrent quatre niches. C. A. Colombot précise que cette rotonde est « boisée, peinte au vernis dans tout son pourtour, ainsi que les colonnes et corniches qui sont gris de perle et le restant couleur Nankin4 ». La cheminée est « en pierre de Sampan5 [sic] polie assortie de sa foyère de même pierre ».
L’appartement donnant sur le jardin comprend, quant à lui, une « grande-salle6 », un « grand salon7 » doté d’une porte-fenêtre donnant accès au jardin par un petit escalier de quatre marches en pierres de taille, une « salle à manger[8] » et une « chambre à coucher». Si, tout au long du XIXe siècle, la « grande salle » est consacrée aux cours de la faculté des lettres, le grand salon, la salle à manger et la chambre à coucher constituent alors une partie des bureaux et de l’appartement des recteurs jusqu’à leur départ, en 1907, dans l’ancien archevêché, rue de la Convention.
C. A. Colombot fait également la description du « grand escalier » et de la « cour du puits », ainsi que du jardin, « emplanté de vingt-quatre arbres au plein vent dont cinq abricotiers, trois pommiers et seize poiriers, de vingt espaliers poiriers et seize quenouilles aussi poiriers, de vingt-trois pieds de vignes en treille contre le mur de façade attachés contre treillage en sapin et trente-quatre pieds de vigne en treille le long de l’allée de la façade […] ». Il précise également que, « dans la basse cour, sont aussi cinq pieds de vigne en treille contre la façade de la cuisine, attachés contre un mauvais treillage ».
En septembre 1810, les ouvriers qui procèdent aux réparations sous la direction de Denis Philibert Lapret (1761-1821), architecte municipal, demandent le paiement d’une avance. Le 30 mai 1811, dans le cadre de la politique municipale d’alignement des rues, cet architecte signe le plan d’un projet de « place de la Comédie », bordée d’un « promenoir couvert » qu’il prévoit d’ouvrir devant le théâtre, en remplacement d’une partie de l’ancienne abbaye, de sa cour et d’un morceau du jardin (Figure 1).
Le 22 novembre 1811, le recteur écrit au maire de Besançon que « le défaut de bancs, de chaises, de tables, de chaires pour les professeurs n’a cessé dans le cours de l’an qui vient de s’écouler de se faire journellement sentir ». Puis, le 4 mai 1812, le recteur lui parle des « indispensables réparations » dont un décret impérial charge la ville. Les plans et devis de D. P. Lapret pour « approprier définitivement le bâtiment académique à sa destination » s’élèvent à 21 865 francs, montant réduit par le recteur à 19 136 francs. Il précise que cette somme permettrait notamment d’organiser la faculté de théologie9, de ne plus louer les chaises de l’église Notre-Dame voisine « pour asseoir les élèves », de conserver convenablement « les livres de Mr l’abbé de Billy qui se gâtent étendus sur des planchers », et d’établir définitivement le cabinet d’histoire naturelle dont les collections sont « entreposées dans un corridor humide ».
L’achat de propriété est signé le 24 septembre 1812. Plusieurs annuités sont prévues jusqu’au 31 décembre 1815, mais les événements de la fin de l’Empire repoussent cette échéance. En mai 1819, 54 217, 51 francs restent dus sur le capital et 13 133,23 francs sur les intérêts.