Après une extinction de près d’un millénaire, la dissection anatomique humaine est réintroduite dans les premières universités occidentales au xiiie siècle. L’université de Dole compte une seule chaire de médecine, l’anatomie étant une de ses disciplines majeures. Une deuxième chaire est fondée, en 1570, par Philippe II (1527-1598). Elle regroupe cinq matières d’enseignement en anatomie, physiologie, physique, chimie et hygiène. Une troisième chaire est établie, par lettres patentes du 9 septembre 1619, des archiducs Albert (1559-1621) et Isabelle (1566-1633) d’Autriche, pour individualiser l’anatomie1. Pierre Verney (v. 1577-v. 1640), qui a étudié à Paris, en est le premier titulaire2. Il n’existe cependant toujours pas d’amphithéâtre d’anatomie. Les dissections s’effectuent dans des maisons particulières ou dans des locaux de piètre qualité, loués par l’université. En 1631, sur l’insistance de Verney et des élèves de l’université, un don est accordé, par lettres patentes, pour la construction d’un amphithéâtre de médecine à l’université de Dole3. Mais il est peu vraisemblable que la somme proposée ait permis de construire et d’entretenir un amphithéâtre d’anatomie.
Une fois l’université transférée à Besançon, ses locaux sont installés dans le bâtiment, peu adapté, du couvent des Grands Carmes. Une salle de dissection devient indispensable à l’enseignement. En 1697 et 1698, François Thomas Garinet (v. 1655-1702), titulaire de la chaire d’anatomie et de botanique, insiste auprès du conseil de la ville pour obtenir une salle d’anatomie de dissection et un jardin botanique4. En vain. Les années suivantes, l’université s’adresse au bureau du nouvel hôpital Saint-Jacques, qui possède des locaux pour accueillir de telles structures. Un jardin botanique est créé, en 1703, sur les terrains de l’hôpital Saint-Jacques, par les professeurs de médecine de l’université, mais il n’est pas proposé de solution pour un amphithéâtre de dissection5. Le professeur Nicolas Billerey (1666-1758) et le maître chirurgien Jean François Nicolin (1671-1721) réalisent les séances de dissection à leurs frais.
En 1707, l’édit royal de Marly, qui réorganise les études médicales, fait obligation d’assurer des démonstrations d’anatomie et de botanique. Une salle de dissection est alors organisée, en 1724, dans une cuverie du sous-sol du bâtiment des Grands Carmes. Les dissections anatomiques sont réalisées par le démonstrateur chirurgien Gilles Vacher de la Feutrie (1693-1760) et le professeur de médecine Claude François Atthalin (1701-1782).
Indépendamment de l’université bisontine, le nouvel hôpital Saint-Jacques, qui accueille des patients civils et militaires depuis 1691, possède une « chambre de dissection » dont les étudiants en médecine réclament régulièrement l’utilisation. Un conflit éclate en 1724, alors que les étudiants cherchent un lieu pour disséquer le cadavre d’un supplicié et que la mère supérieure leur refuse l’accès à la chambre de dissection. La municipalité accorde finalement l’autorisation au chirurgien militaire Gilles Vacher de la Feutrie de disséquer le cadavre dans la salle de l’hôpital6.
En 1755, une salle d’anatomie est construite à l’hôpital Saint-Jacques, sur la base de l’ancien logement du jardinier, à proximité de l’aile gauche du bâtiment, du côté des remparts. Une ouverture, directe sur l’extérieur, donne accès aux intervenants sans passer par l’hôpital. Elle reste indépendante de l’université et consacrée à la dissection des corps des soldats morts à l’hôpital7.
La situation s’améliore quelque peu avec la création de l’école royale de chirurgie de Besançon, par les lettres patentes du 20 juin 1773. Les locaux sont installés à proximité de l’hôpital du Saint-Esprit. La dissection anatomique et l’apprentissage des techniques opératoires y occupent une place importante. Plusieurs chirurgiens y assurent les démonstrations, alimentées par les corps des condamnés.
La période révolutionnaire, qui impose les fermetures de la faculté de médecine et de l’école royale de chirurgie, recentre les démonstrations anatomiques à l’hôpital Saint-Jacques.