Le projet d’un enseignement supérieur en langue française à Montbéliard (1595-1676)

Maryse Graner

Dans le Pays de Montbéliard, possession de princes allemands depuis 1397, les préoccupations liées à l’enseigne[1]ment sont anciennes. En 1541, la religion luthérienne s’y installe. La Paix d’Augsbourg (1555) applique dans les terres d’Empire le principe cujus regio, ejus religio  (tel prince, telle religion) : le protestantisme devient religion d’État à Montbéliard. L’ordonnance princière de 1559 organise la nouvelle Église évangélique et privilégie l’instruction pour asseoir la Réforme.

Heinrich Schickhardt (1558-1635), Collegium zu Mümppelgart, extrait de Beschreibung einer Reisz… in Italiam… [Voyage en Italie] – Gretruckt zu Mümpelgart : durch Jacob Foillet, 1602. Médiathèque de Montbéliard – Étoile 88-(3) / Reproduction Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine, 2004, 19862500174. Yves Sancey.

Dès 1560, le duc de Wurtemberg favorise le développement de l’enseignement, pour que filles et garçons soient capables de lire la Bible. Le degré d’alphabétisation s’élève rapidement grâce à l’ouverture de nombreuses écoles primaires (école française) et secondaires (école latine) de haut niveau. Afin de favoriser le recrutement de pasteurs et de professeurs qualifiés, des bourses sont accordées à des étudiants montbéliardais brillants, leur permettant d’effectuer leur cursus dans les universités allemandes, notamment à Tübingen.

Le prince Frédéric de Wurtemberg (1557-1608) entend alors offrir la possibilité d’un enseignement supérieur en langue française à Montbéliard, au sein d’une académie ou d’un collège universitaire. La création ce dernier est confié à l’architecte Heinrich Schickhardt.

Entre 1598 et 1607, il édifie sa construction dans un style architectural caractéristique de la Renaissance germanique, à la « Neuveville » (ou faubourg de Besançon), nouveau quartier qu’il dessine pour y accueillir les nombreux protestants chassés du royaume de France par les guerres de religion. En 1602, le gros œuvre est achevé, mais les difficultés économiques et financières ne permettent pas l’ouverture immédiate de l’établissement. En 1664, Georges II reprend le flambeau et fait naître une petite université, qui rassemble une cinquantaine d’étudiants : la théologie, le droit, la philosophie et même la médecine y sont enseignés.

Néanmoins, la concurrence des universités de Bâle, de Strasbourg et de Tübingen demeure trop forte. La seconde conquête de la Franche-Comté en 1674, et la prise de Montbéliard en 1676 par le maréchal de Luxembourg, sonnent le glas de cette courte ouverture de six années, entre 1670 et 16761. Le collège, initialement cédé à l’armée et à l’ordre des capucins bisontins, sera détruit en 1852 pour construire la nouvelle église catholique de Saint-Maimboeuf2.

Notes :
1 – Maurice Gresset, Pierre Gresser, Jean-Marc Debard, Histoire de l’annexion de la Franche-Comté et du Pays de Montbéliard, Le Coteau, Horvath, 1988. 2 – Le Pays de Montbéliard, annexé à la France en 1793, s’intègre successivement au département de la Haute-Saône, puis du Haut-Rhin, et enfin du Doubs.
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