De la turbulence et de la violence estudiantines au XVe siècle

Jacky Theurot

La turbulence de ce contingent d’étudiants masculin, un peu déraciné, à l’emportement rapide pour peu qu’il fréquente des milieux « noiseux » portés sur la boisson, doit être relativisée1. Mais les échevins se prémunissent cependant contre cette notoriété potentielle en interdisant le port d’armes, la pratique du jeu, voire la déambulation nocturne.

Diablotins illustrant l’une des pages des annales du recteur Jean Perret, 1523. Bibliothèque municipale de Besançon, Ms. 982, f°174 v°.

Le premier cas de violence concerne des étudiants flamands. En 1424, ils sont gravement agressés par des Dolois qui, arrêtés, sont conduits sous escorte à Salins auprès du bailli2. Même s’il n’y a pas à Dole de « massacre de la sainte Scholastique », l’affaire de l’étudiant dolois Jean Boyvenet, en 1429, dégénère à tel point que le bailli lui-même est malmené. Cette enquête suggestive illustre l’application du for ecclésiastique quand les franchises urbaines sont mises en cause3. En 1469, un procès venu au bailliage révèle qu’une rixe survient de nuit en l’hôtel de Cîteaux – tenu par Jean Coulon et loué désormais à des fins hôtelières. Cet autre litige qui met aux prises des « escoliers » et deux Dolois, le tanneur Vuillemin Finot et Gérard Moguier, sanctionne ces derniers par une amende de quatre livres au bailliage4.

La bagarre des apprentis orfèvres, pointe sèche du Maître du Cabinet d’Amsterdam, seconde moitié du XVe siècle. Bibliothèque nationale de France, Rés. Ea 41 Ec. N 286.

Entre 1471 et 1473, l’affaire Cornille le Roy est une source d’information sur la façon dont huit étudiants se retrouvent pour étudier et sur leurs fréquentations, qui impliquent des milieux non universitaires. En dépit d’un décès, et malgré la fuite des coupables quittant Dole et « l’estude ou davanz ilz [les étudiants] n’osoient retourner », elle nous montre comment le duc, en dernier ressort et au regard de l’exposé des faits, peut faire preuve de clémence à l’égard des étudiants en octroyant une lettre de rémission5.

D’autres rixes surgissent, qui mettent en jeu les relations entre Dole et Auxonne. Depuis le XIVe siècle, les deux villes ont conclu des accords étroits, favorables à leur population quant à la fréquentation des foires. En 1442, lors des foires d’Auxonne, une bagarre éclate entre les habitants et les étudiants de l’université qui y déambulent. Les sergents d’Auxonne interviennent fermement et le prévôt de Dole est mis en prison. En 1446, pour mettre fin au conflit, le bailli de Dijon engage un arrêt contre le recteur. Une autre affaire, entre les paysans de Chevigny et les habitants d’Auxonne à propos du bois des Crochères, provoque l’internement du prévôt de Dole. Ce dernier revendique sa fonction de suppôt de l’université pour faire jouer la justice en sa faveur et le parlement condamne la ville d’Auxonne6.

Comptes de Mathieu Regnault, receveur général du duc-comte de Bourgogne, 1430-1431. Mathieu Regnault, receveur général des finances ducales, consignait dans un registre les défraiements engendrés par les actions et les déplacements. Ici, la page traite du cas des officiers du duc. Archives départementales de la Côte d’or, B 1647, f°60 r°.

S’il y a bien turbulence, le prince, par ses cours de justice, le bailliage et le Parlement, l’université elle-même, par le biais du tribunal de l’officialité (affaire de 1446 à Auxonne), la ville de même, veillent sur l’université, sur les limites de ses droits, cherchant à contrôler cette jeune population.


Notes :
1 – À propos de la turbulence estudiantine, Jacques Verger, « Les étudiants au Moyen-âge », L’Histoire, no 34, mai 1981, p. 34-43 ; Sophie Cassagnes-Brouquet, « La violence des étudiants à Toulouse à la fin du xve et au xvie siècle (1460-1610) », Annales du Midi, 1982, p. 245-262 ; Christian Gillon, « Les étudiants et la délinquance au Moyen Âge (xiiie-xve siècles) », Thèse d’histoire (Bruno Lemesle dir.), Université de Cergy Pontoise, Archives ouvertes, 2017. 2 –  AD Côte-d’Or, B 1626, compte de Jacques le Hongre, août 1424, fo17v. 3 – AM Dole, cote 5, 29 décembre 1429 et AD Côte-d’Or, B 1647, compte de Mathieu Regnault, receveur général des finances ducales, 1430-1431, fo60r. 4 –  AD Côte-d’Or, B 1765, compte de Jean Vurry, Saint-Michel 1468 – Saint-Michel 1469. 5 –  AD Nord, B 1695, septembre 1473 : cité dans Theurot , Dole, genèse…, op.cit., p. 509-510. 6 – À propos des foires d’Auxonne, Jacky Theurot, « Les marchands comtois aux foires d’Auxonne au Moyen Âge », Mémoires de la Société d’émulation du Jura, Travaux 1988, Lons-le-Saunier, 1989, p. 149 -175. Sur ces conflits, Theurot, Dole, genèse…, op. cit., p. 510-511 ; Pierre Camp, Histoire d’Auxonne au Moyen Âge, Dijon, 1961 : pour 1442, p. 187, d’après Dunand, BM Dijon, ms 1785, fo14 ; pour 1446, p. 148 d’après AM Auxonne, liasses 5 et 94.
ARTICLES SIMILAIRES :

Hilaire de Chardonnet (1839-1924)

Les parents d’Hilaire de Chardonnet, le comte François Marie Gustave Bernigaud de Chardonnet (1804-1875) et son épouse Marie-Louise Christine Pautenet de Vereux (1807-1880), sont de fervents catholiques et

Lire la suite »
error: Contenu protégé.