L’épreuve de la Grande Guerre

Paul Dietschy

En août 1914, l’université de Besançon accueille dans ses trois facultés un nombre réduit d’étudiants : 85 en sciences, 133 en lettres et 43 en médecine. La guerre vide les salles de cours. Les scientifiques ne sont plus que 25 en 1914-1915, les littéraires 48. Jusqu’à la fin du conflit, les effectifs sont inférieurs à 40 % du niveau d’avant-guerre. L’école de médecine se porte mieux car elle forme aussi des médecins militaires.

Plaque commémorative est située dans le vestibule de l’amphithéâtre Donzelot, site Mégevand. université de Franche-Comté, UFR SLHS. Emmanuel Laurent.

Professeurs, étudiants et anciens élèves servent souvent comme officiers subalternes et sont particulièrement exposés. Le 6 septembre 1914, le lieutenant Marcel André Moulin, professeur adjoint de chronométrie, est tué d’une balle en pleine poitrine au début de la bataille de la Marne. Un an plus tard, C. Fournier, un étudiant en histoire est fauché par le tir d’une mitrailleuse allemande alors qu’il aide à régler un tir d’artillerie. En novembre 1916, Louis Minjoz, père de Jean, le futur maire de Besançon, licencié en philosophie à la faculté des lettres, meurt frappé d’un éclat d’obus à Nancy. La litanie des morts se poursuit jusqu’à la fin de la guerre avec Roger Bonnot, ingénieur-chimiste, sous-lieutenant d’artillerie tué en juin 1918, Fernand Grosjean, agrégé de philosophie en 1914, lieutenant d’infanterie tombé en conduisant sa section à l’assaut fin août ou l’étudiant en médecine Henri Gaillot qui décède à la fin de la guerre des suites de la grippe espagnole contractée en soignant des blessés. Au 11 novembre 1918, au moins 39 soldats-étudiants, anciens étudiants ou professeurs sont morts pour la France.

À Besançon, les cours ont eu lieu tant bien que mal, même si le matériel manque et si les locaux sont réquisitionnés pour l’armée ou l’enseignement primaire. Les jeunes filles remplacent les mobilisés. Félix Prieur (1859-1927), directeur de l’école préparatoire de médecine et de pharmacie, note que « l’appât des situations qui leur sont offertes par le départ au front des jeunes gens ne peut manquer de provoquer encore leur affluence ». À la faculté des lettres, elles soutiennent des travaux questionnant la place des femmes dans la société, à l’instar, en 1917, des mémoires de mesdemoiselles Henriot La femme, sa nature, son rôle dans Proudhon et Perrin, Le club des femmes à Besançon pendant la Révolution (octobre 1792 à novembre 1793).

La sortie de guerre est marquée par un antigermanisme virulent, dans une université dont les relations internationales étaient orientées avant-guerre vers l’Allemagne. La faculté des lettres « proclame » la nécessité de la création d’un poste de professeur de langue et littératures anglaises. Cent trente officiers américains viennent suivre des cours de français. Alors que les effectifs retrouvent ou dépassent leur niveau d’avant-guerre à partir de 1921-1922, la réorientation internationale se confirme. À la fin des années 1920, l’université reçoit 189 étudiants étrangers, dont des Italiennes, des Hongrois, sans oublier 31 Allemands auxquels les Bisontins, d’abord méfiants, réservent finalement un accueil cordial.

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