Originaire de Besançon1, la famille Chifflet, compte un grand nombre d’universitaires et d’érudits dont les compétences s’étendent du droit, à la médecine, à la théologie, à l’étude des langues et des sciences historiques telles que la diplomatique ou la numismatique.
Laurent ( ?-1575) est considéré comme le fondateur de la dynastie des Chifflet. Étudiant en droit à l’université de Dole, il y est élu recteur magnifique pour l’année 1536. L’année suivante, il effectue une copie des statuts donnés en 1423 par Philippe le Bon à l’université1. Ses études universitaires lui permettent d’acquérir un solide socle de connaissances juridiques, et lui offre une ascension professionnelle et sociale. Élu comme l’un des quatre notables de la « bannière » de Battant à Besançon, en 1540 et 1541, puis de celle de Saint-Quentin, en 1553 dont il est ensuite l’un des co-gouverneurs. Il commence, sa carrière juridique d’avocat fiscal d’abord auprès de la cité bisontine, le 15 mars 1542, puis, en 1550, au service de l’archevêque.
Cette notoriété lui permet d’accéder à de nombreuses fonctions diplomatiques à Paris en 1541, puis en Flandres, en 1541 et 1543, à la cour impériale de Worms et de Spire en 1548 et en 1554, auprès du Parlement de Dole en 1553. Il est, par ailleurs, au nom du roi d’Espagne, juge de la gardienneté en 1546. Charles Quint l’anoblit, le 5 novembre 1552, « avec privilèges et droits de toute antique noblesse pour lui et ses descendants » puis le fait comte palatin et conseiller aulique en 1555. Il est seigneur de Palente à Besançon. Philippe II le nomme, en 1560, conseiller au parlement de Dole. Il entretient des relations épistolaires avec Antoine de Granvelle. Son ascension professionnelle s’achève avec sa disgrâce car il est suspendu, en 1571, par les Commissaires des Flandres. Il rentre alors à Besançon et décide de se consacrer à la carrière de ses fils, Claude et Jean. Il décède le 20 décembre 1575 et est inhumé à Saint-Pierre de Besançon.
Son fils Claude (1541-1580) est très érudit en histoire. D’abord élève de Jacques Cujas, docteur en droit à l’université de Bourges, il enseigne ensuite brillamment le droit civil à l’université de Dole, où la seconde chaire de droit criminel, nouvellement créée en 1570 lui est confiée, ainsi que la lecture des Institutes. Sa réputation3 de professeur à Dole est si reconnue que, lorsqu’en 1564 Besançon renouvelle ses velléités de transfert de l’université, son ancien professeur J. Cujas décline l’invitation du Magistrat de venir y enseigner, il répond « vous avez en Claude Chifflet un autre moi-même et il pourra me suppléer à défaut de moi-même ou de tout autre ». Jurisconsulte réputé, les écrits de Claude portent sur les substitutions, les partages, les fidéi-commis, la numismatique et l’histoire. Il meurt prématurément en 1580 et est enterré au cimetière Saint-Georges de Dole. Constant Chifflet (1579-1647), son fils, nait à Dole et étudie là où son père enseigne. Élu, comme son grand-père recteur magnifique de l’université, il devient deuxième professeur en droit canon à partir de 1621, puis premier lecteur de droit civil à partir de 1634. D’après son épitaphe4, il « s’illustra pendant presque 40 ans au droit civil en interprétant les lois comme s’il les concevait ». La Bibliothèque municipale de Besançon conserve ses commentaires manuscrits sur les Institutiones de Justinien mais ses contemporains indiquent qu’il a brûlé nombre de ses écrits. Il est inhumé dans la collégiale de Dole, dans la chapelle dédiée à Saint Christophe, près de la sépulture de la famille de Chaillot, dont son épouse était issue. Son fils Guy François Chifflet (1616-1662), né également à Dole, y étudie à l’université à partir de 1632, puis y professe de droit canon à partir de 1656. Il est également chanoine de la collégiale de Dole.
Petit-fils de Laurent et fils de Jean (1550-1602), Jean-Jacques (1588-1673), naît à Besançon, le 21 janvier 1588. Il bénéficie rapidement d’une éducation solide. D’abord élève des Jésuites de Besançon comme ses aïeux, il poursuit ses études de philosophie à l’université de Dole jusqu’au doctorat. En 1605, à l’âge de 17 ans, il entreprend des études médicales à Paris qu’il poursuit jusqu’en 1607. Pour parfaire son art médical, il voyage. Il se rend tout d’abord pour en Suisse5, puis poursuit en Italie, à Padoue précisément, où il suit les cours de Thomas Minadoius, Eustache Rudius, Georges Fabricius et Prosper Alpinius, tout en s’intéressant aux monuments antiques. Il soutient, le 6 juillet 1609, différentes thèses imprimées de médecine pour lesquelles il obtient, le 6 août, l’anneau d’or et le diplôme armorié et signé de dix maîtres. Son désir de savoir l’amène ensuite dans un long périple, consacré à la recherche d’antiquités. Il voyage à Venise, à Rome, à Naples, en Toscane, à Gênes, à Marseille, Arles, Montpellier – notamment pour visiter le jardin botanique -, Avignon, Vienne et Lyon.
De retour à Besançon, en 1610, Jean-Jacques Chifflet ne cesse de produire des œuvres médicales, mais il se spécialise dans le domaine novateur de la botanique. Il s’appuie sur la riche bibliothèque et sur jardin botanique constitué par son père quelques années auparavant, dont il a hérité. Il peut ainsi s’adonner quotidiennement à ses études et recherches. Sa réputation ne cesse de croître, il devient le premier médecin de la ville en 1614, année où il est élu notable par la bannière de Saint-Pierre et, en 1616, il est désigné comme co-gouverneur, au titre de la bannière de Charmont. Il épouse Jeanne de Maubouhan, fille de François-Jules Maubouhans, érudit vésulien, préfet des Salines. En 1618, à tout juste 30 ans, après six années d’élaboration où il y travaille à temps perdu, il publie son ouvrage, très érudit, Vesontio qui retrace l’histoire de Besançon depuis l’Antiquité, en s’inspirant des nombreuses sources dont celles laissées par Jules César.
En 1621, la ville l’envoie en mission diplomatique à Bruxelles auprès de l’infante Isabelle Claire Eugénie (1566-1633), gouvernante générale des Pays-Bas espagnols, et il obtient, en 1625, le titre de medicus botanographus pour la Comté. Cette princesse lui confie, à son tour, plusieurs autres missions diplomatiques en Espagne, auprès de son neveu, le roi Philippe IV (1605-1665). Distingué par le souverain, celui-ci fait de lui son médecin et accepte d’être le parrain de son septième enfant, Philippe Eugène Chifflet, né le 22 novembre 1630 à Bruxelles, puis le fait chevalier en 1632.
Médecin, antiquaire, historien et archéologue6, Jean-Jacques Chifflet laisse un riche héritage et de précieuses archives conservées, comme les nombreuses autres pièces du fonds familial, par la Bibliothèque municipale de Besançon. Il décède à Bruxelles, le 20 avril 1673, à l’aube de sa 86e année.
Fils cadet de Jean-Jacques, Jules Chifflet (1615-1676), après des études classiques à Louvain, s’inscrit à l’université de Dole où il obtient son diplôme de docteur ès droits. Entré ensuite dans les ordres, il devient chanoine du chapitre métropolitain de Besançon. En 1648, le roi Philippe IV le fait chancelier de l’Ordre de la Toison d’or, puis, en 1657, le nomme abbé commendataire de l’abbaye cistercienne de Balerne, en remplacement de son oncle Philippe Chifflet, qui vient de mourir. Devenu conseiller-clerc au parlement de Franche-Comté en 1659, il est l’un des trois membres du l’institution qui s’opposent à la capitulation, en février 1668, lors de la première conquête de la Comté par les troupes de Louis XIV.
Au XVIIIe siècle, Claude Nicolas Chifflet (1675-1740), conseiller au parlement de Besançon et son fils, François-Xavier Chifflet d’Orchamps (1717-1782), premier président du parlement de Besançon (1771) puis de celui de Metz (1775), étudient tous deux le droit à l’université de Besançon. Fernand Chifflet d’Orchamps (1812-1879) est le dernier porteur du nom, mais sa descendance reste nombreuse, notamment en Franche-Comté.
Cette importante famille comtoise a ainsi joué un rôle éminent au sein du milieu humaniste en Franche-Comté, en Flandres, et plus largement en Europe, du XVIe au XVIIIe siècle.