La faculté de médecine de l’université comtoise, installée à Besançon en 1691, délivre trois grades : le baccalauréat, la licence et le doctorat. L’obtention de chacun de ces grades nécessite la soutenance publique, en latin, d’une thèse à l’issue de trois années d’études et après la passation des examens obligatoires. L’obtention du grade de licence est indispensable pour exercer la médecine, celui de doctorat pour l’enseignement.
Le terme générique de thèse s’applique au document présenté lors des trois grades, mais il recouvre une typologie variée de documents : Thesis, Quaestiones, Dissertatio, Considerationes, Disputatio… (Figures 1 et 2). Il subsiste 327 de ces thèses de médecine, soutenues au XVIIIe siècle à Besançon : à la bibliothèque d’étude et de conservation de Besançon, à la bibliothèque universitaire santé de l’université de Franche-Comté et aux archives départementales du Doubs. Même si elles ne recouvrent pas l’intégralité des thèses soutenues, elles ont fait l’objet d’une étude spécifique instructive1.
Plusieurs grands types de thèses sont recensés : médicales, physiologiques et thérapeutiques. Bien que ces principales thématiques s’entremêlent parfois, les thèses médicales sont les plus nombreuses. Elles traitent des maladies infectieuses (variole, peste, choléra), de sujets plus classiques (ictère, apoplexie, dysenterie, rhumatismes…) ou plus spécifiques, comme le thermalisme. Les thèses de physiologie débattent de sujets discutés à cette époque, comme la circulation sanguine ou la respiration. Les thèses thérapeutiques sont les plus rares et s’intéressent principalement aux « décoctions curatives ».
Les thèses reprennent souvent l’argumentaire des cours des professeurs de la faculté de médecine, mais elles s’appuient aussi sur des citations d’auteurs “anciens” ou “modernes” ayant traité des sciences médicales. Les écrits de l’Antiquité sont largement utilisés. Les aphorismes du corpus hippocratique (Ve/IVe siècles av. notre ère) apparaissent dans plus d’une thèse sur deux. Lors de la rentrée de 1786, le recteur Grégoire Bullet (1736-1809), professeur de théologie, proclame à propos des aphorismes hippocratiques : « […] il est sans doute plus prudent de s’en tenir aux principes transmis avec une sorte de vénération de siècle en siècle et d’âge en âge que de se livrer à des essais toujours dangereux dès qu’ils sont incertains »2. L’impact du galénisme semble, lui, en déclin au fil du XVIIIe siècle : les citations de Galien (v. 129-v. 210), n’apparaissent que dans 15 % des thèses. D’autres auteurs de l’Antiquité, comme Celse3, sont aussi mentionnés.
Toutefois, près d’une thèse sur deux citent des auteurs plus “modernes”. Certains appartiennent aux deux siècles précédents : Paracelse (1493-1541), Thomas Sydenham (1624-1689) ou Marcello Malpighi (1628-1694) ; la plupart sont néanmoins des contemporains. Le plus utilisé dans ces thèses est Herman Boerhaave (1668-1738), de l’université de Leyde, un des promoteurs de la médecine clinique. D’autres, comme l’anatomiste suisse Albrecht von Haller (1708-1777), l’Italien Jean-Baptiste Morgagni (1682-1771), pionnier de l’anatomie pathologique, ou encore le Genevois Théodore Tronchin (1709-1781), professeur à Cambridge et défenseur de la variolisation, apparaissent régulièrement. Les médecins français, tels Félix Vicq d’Azyr (1748-1794) ou Antoine Petit (1722-1794), ne sont pas oubliés.
Ainsi, la faculté de médecine bisontine du xviiie siècle se situe à la croisée de la tradition antique, fondée sur les aphorismes hippocratiques, et des idées nouvelles, comme l’inoculation contre la variole.