Le projet d’une université à Gray par le comte Othon IV

Jacky Theurot

L’idée initiale d’une université germe dans l’esprit du comte Othon IV et peut-être de ses conseillers. Il souhaite s’entourer de « seigneurs ès lois » pour servir une administration qui se structure. Sa proximité avec le royaume de France renforcée par son mariage avec Mahaut d’Artois en 1285, le renouveau culturel parti d’Italie se manifestant dans le royaume de France et les apanages voisins y sont sans doute pour beaucoup. 

Sceau brun du comte de Bourgogne Othon IV : ce sceau présente la figure équestre du comte, vêtu d’un manteau et d’un bouclier, tous deux aux armes du Comté. Pascal Brunet. Archives départementales du Doubs, 1B18-11. L. Besançon.

  

Ce contre-sceau du comte de Bourgogne Othon IV présente le nouveau blason du comte de Bourgogne, adopté par Othon IV en 1280, à l’occasion de sa nouvelle alliance avec le royaume de France. Ce nouveau blason utilise l’azur et l’or qui renvoient aux armes de France. Son épouse, Mahaut d’Artois, est en effet une descendante de saint Louis, et leurs deux filles épousèrent deux des fils du roi de France Philippe IV le Bel. Pascal Brunet. Archives départementales du Doubs, 1B18-11. L. Besançon

À Bologne déjà, des étudiants comtois, fils de féodaux certes pour la plupart, mais aussi cinq « d’origine bourgeoise »1, sont intégrés à une « nation Bourgogne ». En 1295, lorsqu’à l’occasion du traité de Vincennes, Othon IV fait établir l’état de son comté pour Philippe le Bel, il peut fournir des données précises car la gestion de son domaine s’appuie sur une connaissance de ses droits et ressources réalisée par des officiers expérimentés en finance et en droit2.

Othon souhaite installer à Gray, une de ses « bonnes villes », un studium generale . Il disposera de tous les acteurs utiles à son fonctionnement. Professeurs et étudiants devant bénéficier de larges franchises comme la liberté et l’exemption de toute charge personnelle. Son bailli et son prévôt veilleront à leur tranquillité afin qu’ils soient logés, entretenus et nourris, sans que les prix de la ville ne s’emballent ! Il entend confier la direction de l’institution à Guy de Gy, gardien du couvent des Cordeliers fondé par lui-même en 1284.3 Il justifie son choix en disant que Gray est une ville « dotée d’une population plus dense, plus commerçante, plus paisible que celle de la montagne » 4. Un premier acte du 12 août 1287 évoque un studium generale. Mais, plus restrictif, le second ne mentionnera qu’une « étude de clercs », soit une formation plus orientée vers la théologie que le droit. S’agissait-il d’une université, même si le pape acquiesça ou plutôt d’un collège rattaché au couvent ?  

Finalement l’établissement ne vit pas le jour. La rémunération continue des professeurs et de la structure suppose que l’institution soit financée. L’assentiment de la papauté, indispensable, est enfin obtenu en 1291, mais le comte rencontre alors de sérieux embarras financiers et envisage de céder sa principauté à Philippe le Bel5. En 1330, sa fille devenue reine de France, envisage, quant à elle, de créer à Paris, un collège pour « vingt étudiants pauvres » de Bourgogne, confiant le choix des boursiers au gardien du couvent des Cordeliers de la capitale.  

Ce souhait du comte s’explique sans doute parce qu’il n’existait pas en Comté de lieux d’études et de formation où ses officiers puissent acquérir des notions de base. Jusqu’au début du XIVe siècle, elle ne compte, en effet, que de petites écoles, dans quelques villes et souvent en milieu rural6. Cette belle intention donne une image ouverte d’un prince trop longtemps décrié7 ! 

Notes :
  • 1. Sven Stelling-Michaud, « La nation de Bourgogne à l’université de Bologne aux XIIIe et au XIVsiècles », MSHDB, 1956, p. 8-43 ; et Cécile Fabris, « Sociabilité de groupe des étudiants français à l’université de Bologne à la fin du XIIIe siècle », Cahiers de recherches médiévales et humanistes /18, 2009, p. 75-88.  
  • 2. A ce propos, la réflexion de Pierre Chastang, « Le Moyen-Âge, une révolution de l’écrit », L’Histoire, n°463, septembre 2019, en particulier p. 42-45. 
  • 3. Chartes publiées par Marcel FournierLes statuts et privilèges des universités françaises depuis leur fondation jusqu’en 1789, t. II, pièces 1566, 1567, 1568, t. III, 1ère partie, Le Moyen-Âge, Paris, 1892, p. 97-144, et 667-674. 
  • 4. Gray. Frédéric GenevrierUne ville comtale de marche : Gray et son aire d’influence (fin XIIIe-début XVIe siècle), 3 volumes, Thèse de doctorat, Besançon, UFR SLHS de Franche-Comté, février 2009.  
  • 5. Jean-Pierre Redoutey, « le comté de Bourgogne de 1295-1314 : problèmes d’administration » », MSHDB, Dijon, 1994, p.7-65 et « Philippe le Bel et la Franche-Comté », MSHDB, Dijon, 1995, p. 207-231, et Archives départementales du Doubs,  B 22, 1291. 
  • 6. Pour les petites et grandes écoles et la difficulté à les connaître : Michel SOT, Jean-Patrice Boudet, Anita Guerreau-Jalabert, tome 1. Le MoyengeHistoire culturelle de la Francedir° Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, Paris, Seuil, 1997, en particulier, « Un réseau plus dense de petites et de grandes écoles », p. 230-235 ; Pierre Boucaud, Cédric Giraud, Nathalie Gorochovop.cit, en particulier, « les progrès de l’écrit dans la société », p. 236-249.   
  • 7. Marie-Thérèse Allemand-GayLe pouvoir des comtes de Bourgogne au XIIIe siècle, Paris, Annales Littéraires de l’université de Besançon, 368 / Les Belles Lettres, 1988, p.426.  
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