La réorganisation salvatrice de l’École préparatoire de médecine et pharmacie de Besançon (1872-1889)

Laurent Tatu

Après une période de pleine croissance, l’école préparatoire de médecine et pharmacie de Besançon entre avec difficulté dans la Troisième République. L’annexion de l’Alsace-Moselle après la guerre franco-prussienne de 1870-1871 a imposé Nancy comme nouvelle faculté de tutelle. Joseph Édouard Sanderet de Valonne (1802-1890), directeur de l’école préparatoire depuis 1857, doit faire face aux changements majeurs imposés par des décrets qui bouleversent la typologie et la répartition des structures d’enseignement de la médecine. En 1874-1875, les écoles préparatoires de médecine de Bordeaux, de Lyon et de Lille sont transformées en facultés mixtes de médecine et pharmacie. À la même période, les écoles de médecine de plein exercice sont créées1. Elles assurent désormais l’intégralité de l’enseignement des années d’études de médecine, mais la passation de certains examens et la soutenance de la thèse se font toujours dans la faculté de tutelle. Ainsi, les écoles préparatoires de Marseille et de Nantes deviennent des écoles de plein exercice. 

Du fait de sa petite taille, l’existence de l’école préparatoire de médecine de Besançon est alors menacée. Cette situation bisontine est aggravée par le décret du 10 août 1877. Il impose une augmentation du nombre de chaires ainsi que du traitement des enseignants, à la charge de la municipalité2. En contrepartie, le décret établit une équivalence entre les inscriptions en école préparatoire et en faculté de médecine. L’étudiant bisontin doit cependant se déplacer chaque année à Nancy pour passer ses examens probatoires, une mesure qui réduit encore le nombre d’inscriptions à l’école préparatoire de Besançon. La suspension de l’activité de l’école préparatoire de médecine et pharmacie d’Arras, en janvier 1883, alimente la crainte d’une disparition de l’école de Besançon.

Le décret du 1er août 1883, signé par le ministre de l’Instruction publique, Jules Grévy (1807-1891), apporte une lueur d’espoir pour l’école. Il recompose les écoles préparatoires en “petites facultés” de médecine disposant de professeurs suppléants, de chefs de travaux et de chefs de clinique. Les aspirants au doctorat pourront passer une partie de leurs examens probatoires dans ces écoles préparatoires ainsi réorganisées. Le texte précise que cette restructuration, qui impose également l’obligation d’un service de maladies pour enfants, se fait aux frais de la municipalité. Le directeur de l’école de médecine, Albert Chenevier (1826-1888), qui a succédé à Joseph Édouard Sanderet de Valonne en 1878, travaille donc avec la ville à la mise en place de ces nouvelles mesures, dont dépend la survie de l’école. Alors qu’il est nécessaire de demander des locaux supplémentaires à l’hôpital Saint-Jacques, Albert Chenevier doit faire face à des critiques violentes de la commission administrative de l’hôpital au sujet des odeurs intolérables pour les malades émanant des locaux de l’école. L’achèvement des travaux de l’avenue du Pont-Canot, en 1883, a en effet rapproché les salles des malades de celles de l’école : les laboratoires d’anatomie et de chimie sont particulièrement visés3.

Figure 1 : Albin Saillard (1842-1925), portrait publié dans la Revue Chantecler en 1907. BIU Santé, Paris Descartes.

En 1887, alors que le nombre d’étudiants est au plus bas et que les bruits de suppression s’amplifient et accentuent encore la chute des inscriptions, les professeurs écrivent à la municipalité pour demander un effort budgétaire pour sauver l’école4. Le directeur Albin Saillard (1842-1925), conseiller municipal de Besançon et futur sénateur du Doubs, prend le relais de Chenevier en 1888 (figure 1). Après de multiples tractations, l’école préparatoire de Besançon réussit à se mettre en adéquation avec les impératifs du décret de 1883. Le 23 janvier 1889, Louis Liard (1846-1917) visite l’école et rédige un rapport favorable au ministère. Le décret de réorganisation de l’école de Besançon est signé en février 1889. Un laboratoire d’anatomie et de chimie est installé dans une partie du jardin de l’hôpital Saint-Jacques, qui accueille bientôt les nouveaux jardin et institut botanique (figure 2).

Figure 2 : L’école de médecine au début du XXe siècle. Archives départementales du Doubs, 68 J1. L. Besançon.

Une nouvelle ère de l’enseignement et de la pratique de la médecine s’ouvre avec la loi du 30 novembre 1892, qui supprime les grades d’officier de santé et de docteur en chirurgie au profit du grade unique de docteur en médecine, obligatoire pour exercer la médecine en France5. Les études durent désormais quatre ans, les trois premières pouvant être effectuées dans une école préparatoire comme celle de Besançon. L’accès aux études médicales devient par ailleurs conditionné à l’obtention du certificat d’études physiques, chimiques et naturelles délivré par la faculté des sciences6.

Figure 3 : Projet d’appropriation de la façade de l’École de Médecine, 15 décembre 1883. Archives municipales de Besançon, 2fi491.

Figure 4 :”Apropriations de la façade de l’École de Médecine, motif du milieu de la façade” (blason de Besançon), 1er mars 1884. Archives municipales de Besançon, 2fi494.

Notes :
1 – Décret du 14 juillet 1875. 2 – Journal officiel de la République française du 15 août 1877. 3 – Archives départementales du Doubs (Besançon), Comptes-rendus de la commission administrative de l’hôpital Saint-Jacques (1883-1923). 4 – Bibliothèque d’étude et de conservation (Besançon), 1R 34. 5 – Journal officiel de la République française du 1er décembre 1892. 6 – Décret du 31 juillet 1893, Journal officiel de la République française du 5 août 1893.
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