Le Numericum Santé

Maryse Graner, Thierry Moulin

En 2012, la Haute autorité de Santé pose une nouvelle règle : « jamais la première fois sur le patient ». La simulation est, de ce fait, une méthode pédagogique désormais incontournable et obligatoire pour tous les professionnels de santé. Elle permet de confronter les étudiants à des situations variées (consultations, soins infirmiers, situations d’urgence…), qui sont au plus proche de la réalité mais en toute sécurité pour le patient et l’apprenant. L’hybridation croissante des enseignements, accélérée par la systématisation du distanciel imposée par la pandémie COVID_19, n’a fait qu’accentuer cette tendance.

Sur le site des Hauts-du-Chazal, l’UFR sciences médicales et pharmaceutiques se dote, dès 2013, d’un centre de simulation[1], constitué de Medsim et de Pharmasim, et ensuite de ChirSim. Medsim met à disposition des étudiants en médecine et des professionnels de santé en exercice des mannequins sophistiqués qui miment les réactions physiologiques d’un patient pour s’entraîner à réagir face à des situations critiques, comme pour entrainer les étudiants en maïeutique à la mécanique obstétricale. Chirsim s’adresse aux chirurgiens et futurs chirurgiens tandis que Pharmasim mime une officine.

Ces trois centres se réunissent sous l’entité CESIUS, « centre de simulation universitaire en santé de l’UFR sciences de la santé ». Ils sont destinés à la formation initiale des étudiants et à la formation continue des professionnels de santé. 

Si cette nouvelle approche nécessite un apprentissage du matériel, elle demande avant tout de revoir l’approche relationnelle du patient à distance. C’est pourquoi le centre de simulation est équipé de matériel permettant aussi la réalisation de téléconsultations. Le télé soin permet également à un professionnel de santé (pharmaciens ou paramédicaux) de prendre en charge un patient et de le suivre à distance grâce aux technologies de l’information et de la communication, généralement par l’intermédiaire d’une vidéotransmission. Sur ce sujet, l’UFC était déjà pionnière,  dès 2004, avec le projet franco-suisse Interreg III, intitulé TENECI, » télé-neurologie coopérative » et internet, lancé en 2004. Il avait pour objectif de concevoir et de développer une solution innovante en télémédecine incluant expertise et aide à la décision dans s le domaine de la neurologie et dans ses urgences (AVC, accidents vasculaires cérébraux et le TC, traumatismes crânio-encéphaliques), sous la coordination du CHU de Besançon et du CHUV de Lausanne (pour les hôpitaux suisses du canton de Vaud et de Neuchâtel)[2]. En France, il a débouché sur la modélisation du « Télé-AVC » et de son déploiement en région.

Les enseignants-chercheurs n’hésitent pas à investir le terrain du numérique pour projeter les étudiants dans des situations concrètes d’apprentissage. C’est ainsi que Séverine Valmary-Degano,(PUPH) pathologiste praticienne au CHU et enseignante à l’UFC a eu l’idée de concevoir le premier serious game dédié à l’apprentissage de l’anatomopathologie[3]. Aidé d’Anthony Jacquier, interne en médecine et d’une équipe médicale, ce projet a bénéficié d’un financement du Fonds européen de développement régional (FEDER) et d’une collaboration d’une vingtaine de mois avec un studio de développement de jeux vidéo français. Le défi est relevé : depuis la rentrée 2019, les étudiants de 2è et de 3è années de médecine disposent de Discovering Pathology.

En septembre 2023, 59 étudiantes et étudiants poursuivent une formation en simulation en odontologie. Placée sous la responsabilité d’Edouard Euvrard, cette filière de l’UFR sciences de la santé, s’est ouverte l’année précédente. Les étudiants s’exercent sur des simulateurs, en l’occurrence la tête d’un patient, mettant l’étudiant en position concrète de soins dentaires soin (2). Au total, trente simulateurs pour les étudiants, un poste pour l’enseignant et trois postes radio ont été installés, bénéficiant de financements des partenaires[4]. Ce projet se réalise en relation étroite avec le CFA (centre de formation des apprentis) Hilaire de Chardonnet à Besançon, où se déroulent les travaux d’enseignement en prothèse dentaire.

L’activité de simulation dans la formation des filières de santé connaît une augmentation forte et régulière et le centre de simulation actuel atteint ses limites en termes de ressources humaines et d’espace pour faire face aux enjeux médicaux de demain. Afin de conserver son rang de pôle de formation et de recherche de pointe en santé, l’ensemble des activités de simulation de l’UFR sciences de la santé, du CHU et des instituts de formation vont se regrouper sur un même site dans un nouveau bâtiment. Il abritera le Numericum santé, centre commun pouvant répondre aux besoins de toutes les formations en santé[5] et de développer des axes innovants en recherche. Connecté avec les autres structures de simulation, il couvrira toutes les filières de formation en santé, en lien avec les instituts de formation en soins infirmiers et les centres hospitaliers de Dole, Lons-le-Saunier, Pontarlier, Trévenans et Vesoul.

Structurellement, le Numericum santé viendra se connecter au bâtiment de recherche et au bâtiment d’enseignement par l’intermédiaire d’une passerelle aérienne facilitant les déplacements. Dans un premier temps, une première tranche d’environ 999 m2 est financée[6]. La construction de ce bâtiment, utilisant des  matériaux biosourcés et accueillant des panneaux photovoltaïques sur sa toiture, vise un haut niveau de performance énergétique. La maîtrise d’ouvrage du projet sera assurée par l’UFC. Les études, en cours, devraient s’achever en juillet 2025. La livraison du bâtiment est prévue pour novembre 2027. L’objectif est, à terme, de disposer de 2 500 m2 supplémentaires.


Notes :
[1] Ces locaux, totalisant 377 m2, se répartissent sur 3 étages dans le bâtiment d’enseignement Épicure. L’Actu, 3 septembre 2013, « Simulation médicale : le droit à l’erreur», Delphine Gosset, [https://actu.univ-fcomte.fr/simulation-medicale-le-droit-lerreur ] [2] Côté UFC, le projet TENECI est piloté par Thierry Moulin (UFR SMP, neurologie), Éric Garcia, Hervé Guyennet et Jean-Christophe Lapayre (UFR ST, informatique) et François Bonneville, société ARICIA. [2]Journal officiel de la République française du 8 décembre 1968. [3] Ce jeu vidéo est aussi traduit en version anglaise. L’Actu, 4 juillet 2019, « Un serious game pour apprendre l’anatomie pathologique », Alizée Mosconi, [https://actu.univ-fcomte.fr/article/un-serious-game-pour-apprendre-lanatomie-pathologique-007499] [4] Les financeurs sont l’État (750 000 euros), la région Bourgogne-Franche-Comté (450 000 euros), Grand Besançon métropole ( 300 000 euros), le CHU de besançon et L’Agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté. L’Actu, 11 oct. 2023, “L’université de Franche-Comté inaugure sa filière odontologie”, Inès Chalmet, [https://actu.univ-fcomte.fr/article/luniversite-de-franche-comte-inaugure-sa-filiere-odontologie-009617] [5] Grâce à la retransmission en direct, les formations par simulation, initiales pour les étudiants et continues pour les professionnels de santé, peuvent être déployées sur l’ensemble du territoire comtois. [6] Soit 6 millions par le contrat de plan État-région 2021-2027, complétés à hauteur de 1 million d’euros par l’UFC.
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